Survivants13 (ancien "Survie 13 françafrique bas les masques")

25.3.2012

ET SI ATT AVAIT ÉTÉ VICTIME D’UN COMPLOT?

Filed under: Contributions - apports,Uncategorized — kel @ 19:43


Alors que tous les regards étaient orientés vers les prochaines élections présidentielles, un coup d’Etat de trop vient de se produire au Mali. Ce vaste pays qui plonge sa frontière nord dans le Sahara, ne s’imaginait pas un seul instant voir des soldats s’emparer du trône. Le fait est que le Mali est présenté, à l’instar du Ghana, comme un exemple de démocratie en Afrique. Néanmoins, depuis Janvier 2012, sa stabilité politique s’est vue  menacer par la rébellion touareg (au repos depuis 2009) localisée au nord du pays. Les attaques répétées du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad) qui se sont souvent soldées par des victoires, ont perturbé la tranquillité du peuple malien avec à sa tête le Président Amadou Toumani Touré. En vue de trouver une solution à cette énième crise militaire de l’Afrique de l’Ouest, le chef de la diplomatie française, ainsi que l’Union africaine se sont succédés aux chevets du pays de Soundjata Kéita. C’est dans ce contexte d’appel à la négociation avec les rebelles touareg que le Jeudi 22 Mars, des soldats affirment avoir pris le contrôle du pouvoir. Comment donc comprendre ce changement anticonstitutionnel?
La réponse à cette question invite à passer à la loupe la revendication des putschistes qui finit par révéler le jeu trouble de la France, lequel masque ceux de la CEDEAO et de l’UA.


La revendication des putschistes.


La principale revendication des putschistes se résume en l’incapacité du régime du président Amadou Toumani Touré à gérer la crise au Nord. L’une des déclinaisons de cette revendication principale est l’absence de moyens militaires efficaces. En filigrane, les militaires expriment leur urgent besoin d’en découdre avec la rébellion touareg. Mais ce besoin urgent est-il réglé par le coup d’Etat? Absolument non. C’est tout le contraire et ce, pour diverses raisons.
Première raison, le coup d’état ouvre une période de transition dont la période est non déterminée. En général, la transition sert à restaurer les institutions, ressouder les liens cassés entre les citoyens, créer des conditions d’une transition pacifique. Or cette tâche est plus difficile que réussir un coup d’état. Alors, les nouveaux hommes forts du pays seront-ils partagés entre cette tâche et l’offensive contre la rébellion touareg ? C’est dire que les opérations militaires envisagées prendront du temps. Et là encore, rien ne dit que les rebelles, durant cette période, calmeront leurs ardeurs où attendront d’être attaqués.
Deuxième raison, le Mali était à quelques mois des élections présidentielles, qui devaient se tenir sans Toumani Touré. Alors si Toumani Touré est incompétent, c’est que le problème est réglé puisqu’il n’est pas candidat à ces élections. Il suffisait pour les putschistes de choisir parmi les candidats, celui qui pouvait gérer la crise.
La troisième raison est que ce coup d’Etat va isoler le Mali, qui officiellement, n’aura pas d’aide militaire pour combattre les rebelles. En théorie tous les appuis budgétaires, les financements extérieurs seront gelés et le peu de moyens internes dont dispose ce pays, devrait servir à autre chose qu’à faire la guerre. On pourrait même être poussé à se poser la question de savoir si les militaires seront sur la même longueur d’onde. Cette question mérite d‘être posée parce que le Président déchu n’est pas un homme isolé, il a des sympathies au sein de l’armée malienne.
Au regard de ces trois raisons, nous osons affirmer que cette revendication est farfelue et contraire au bon sens. Elle est inopportune et ne répond à aucune stratégie sérieuse de reprise du contrôle des zones sous la main des rebelles. Précisons au passage que les rebelles Touareg ont salué la chute de l’incompétent ATT. Curieux quand même!
La vacuité de la revendication fait naître depuis le changement de régime, la thèse de l’échec du mandat du Président déchu. Cette thèse est honteusement portée par des analystes fournis par les médias français. Si nous prenons en compte la présente thèse, il est clair qu’elle ne peut prospérer, du coup, nous nous retrouvons sur le point de départ. Dans un état, la meilleure manière de sanctionner un Président incompétent, c’est de lui offrir la porte de sortie par les urnes. N’étant pas candidat à sa propre succession, les putschistes ne font que tirer dans le vide.
De tout ce qui est dit sur l’incompétence de ATT, rien ne peut humainement expliquer un coup d’Etat. Alors, il convient de rechercher les raisons de cette déstabilisation ailleurs.


Le jeu trouble de la France


Il est un truisme de dire que le Sahara est aujourd’hui l’engrais du terrorisme en Afrique subsaharienne. Les nombreuses prises d’otage de ressortissants occidentaux par AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont fini par imposer à la France la nécessité d’installer une base militaire dans la région en vue de combattre ces terroristes. Le lieu stratégique choisi par la France, n’est autre que la région de Mopti. La requête de Nicolas Sarkozy fut purement et simplement rejetée par Toumani Touré. Cela ressemble bien au refus du Président GBAGBO de faire défiler les troupes ivoiriennes sur les champs Elysée le 14 juillet 2010. La France, nous la savons très gourmande! Donnez-lui un lopin de terre et elle finira, par des jeux troubles, à prendre 1000 hectares de terre. En sus, ATT s’était offert le luxe de refuser la signature d’un accord de coopération portant sur la gestion des flux migratoires. En effet, le Président malien et Sarkozy n’étaient pas sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la régularisation des immigrés maliens. ATT est dès lors apparu comme un trouble-fête car d’autres pays africains avaient fléchis là ou ATT a osé faire la résistance. Ces refus, n’ont évidemment pas été appréciés par la France dans l’entendement de qui, un Président nègre n’est qu’un pantin qui n’a de salut que dans l’acceptation des ordres tutélaires.
En outre, le lien qu’avait le Mali avec la Lybie était si fort que lors de la crise libyenne, le Mali a montré un visage réservé. ATT n’a pas soutenu Sarkozy dans sa folle croisade contre le guide libyen. L’on sait que celui-ci avait réalisé de nombreuses infrastructures au Mali, fort estimé, ses affiches sont visibles sur des commerces de certains maliens. Voici un élément qui semble avoir porté le courroux de Sarkozy à l’extrême.
De plus, M. Juppé n’a pas manqué de saluer l’avancée des troupes rebelles lors d’une de ses interventions devant le sénat français le 07 Février 2012 en affirmant ceci : « la rébellion touareg a remporté récemment d’importants succès militaires au nord du fleuve Niger. Un cessez-le feu immédiat est pour nous un impératif ». Alors comment comprendre que la France qui est si attachée aux valeurs républicaines emploie des termes qui, à l’évidence, vantent les mérites des rebelles? Elle a tenté de cacher « ses fleurs » lancées aux rebelles en députant Alain Juppé auprès du Président malien le 26 Février 2012, lequel n’a pas manqué de se comporté comme l’a fait Michelle Alliot-Marie dans le feu des attaques des rebelles pro-OUATTARA en Septembre 2002. En effet, sortant de l’audience avec Toumani Touré, Juppé déclare : « C’est un dialogue politique qui peut permettre de s’en sortir et pas une confrontation. Un dialogue inter-malien est absolument nécessaire ». Voici donc la France qui appelle un pouvoir légitime à négocier avec des rebelles terroristes dont la seule évocation du nom blesse la conscience européenne. On verra par la suite que l’abandon de la solution militaire a servi de prétexte au renversement de ATT.


Aussi dans la crise ivoirienne, le Président ATT avait été accusé de rouler pour GBAGBO. Certains avaient même annoncé que Toumani Touré, avait payé les fonctionnaires ivoiriens suite à la fermeture des banques françaises. Le quotidien Le Nouveau Réveil (quotidien proche du pouvoir, expert en intox) n’avait pas manqué d’afficher à sa Une : « Le Mali paye les salaires des fonctionnaires : ATT vole au secours de GBAGBO » (numéro du 24/12/2010). Quant on sait la haine que Sarkozy nourrit contre GBAGBO on devine déjà, le sort de ATT.
Dans la lutte pour le pouvoir au Mali, le candidat déclaré et certifié de la droite française est Soumaïla Cissé. Cet ancien commissaire de l’UEMOA a également le soutien de Blaise Compaoré, Alassane Ouattara, deux représentants des intérêts français en Afrique de l’ouest. Face à ce candidat, un vieux routier de la politique malienne, le socialiste Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), le seul candidat sérieux à avoir condamné fermement le coup d’Etat. Sarkozy qui a une forte aversion pour les hommes libres et indépendants, sans doute voyant la probable victoire du socialiste IBK, n’a-t-il pas court-circuité le processus en vue de mettre sur place, les conditions d’une élection de Soumaïla Cissé? Rien n’est exclu. L’exemple ivoirien est si frais dans nos esprits que nous ne saurions rejeter cette hypothèse de travail.


Au soir du coup d’Etat, la condamnation de la France, répondant plus à un principe qu’à un désaveu des putschistes, montre bien que ce pays est expert en coups de Jarnac. Cette condamnation qui pue l’hypocrisie a été déjà servie en Côte d’Ivoire et Dieu seul sait comment la France a œuvré au renversement d’Henri Konan Bédié et de Laurent GBAGBO.
Au final, il apparaît que dans la déstabilisation du Mali, la France s’est adonnée à un jeu clair obscur répondant plus à ses intérêts qu’à ceux du peuple malien et par extension, à ceux des populations africaines assoiffées de liberté et de dignité. Malheureusement, les organisations africaines, comme à leur habitude, n’ont pas manqué à l’appel du complot.
Quid de la CEDEAO et de l’UA?
Dans la crise malienne, ATT est apparut comme un orphelin. L’on a donné à la résolution de cette crise, le caractère d’un fait divers. Les médias africains et internationaux faisaient pratiquement un black out sur les informations et ne les levaient que lorsque les rebelles touaregs remportaient « d’importants succès militaires » (nous empruntons le terme à Juppé).


La CEDEAO, conduite par Goodluck Jonathan et ensuite Alassane Ouattara (fraichement installé et épaulé par Paris) a mené des actions de « salon », annonçant avec peines, des médiations. Ces médiations annoncées bien après que les rebelles aient commis d’énormes dégâts au nord, n’ont jamais eu lieu puisque la décision n’a été prise que le 20 Mars 2012.
L’Union Africaine, a volé à la CEDEAO son attentisme. Sans doute pour cacher ses carences et sa complicité, dans la semaine du coup d’Etat, elle a tenu à Bamako, la 34è session du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), pour en définitive se comporter comme Juppé en condamnant et appelant à un cessez-le feu immédiat. Cette attitude de ces deux organisations africaines, contraste avec ses actions en Côte d’Ivoire. Qu’est ce qui pourrait donc expliquer cela ?


Le jeu flou de la France dégorge sur la CEDEAO et l’UA. Goodluck Jonathan, connu pour être l’homme qui a reçu en un jour, près de dix coups de fils de Sarkozy, ne pouvait déplaire certainement à son maitre. En Côte d’Ivoire Sarkozy tenait à faire tomber GBAGBO il s’est alors appuyé sur Goodluck, alors Président de la CEDEAO. Celui-ci s’est lancé dans une course folle contre la montre et parvint avec d’autres présidents tels Wade et Compaoré, à faire partir GBAGBO et installer Ouattara. La même opération a été observée avec l’UA par le canal de Jean Ping qui, agissant comme Goodluck, a offert cette organisation a Sarkozy pour avoir la tête de GBAGBO. Ce rappel pour signifier qu’à la tête de ces deux organisations, se trouvent des personnes acquises à la cause de la France et qui appliquent à la lettre ce que dicte ce pays. Dans la crise malienne, ils ont, semblent-ils, joué la carte du pourrissement. Ouattara, pour ce que tout le monde sait, n’a aucune légitimité à condamner la rébellion surtout que c’est une rébellion qui l’a porté au pouvoir. Jean Ping, également, n’a aucune légitimité à agir en toute franchise contre les rebelles, lui qui a plongé l’UA dans une sorte de musée à l’occasion de la crise libyenne.


Ouattara, prévoit une réunion de la CEDEAO le Mardi à Abidjan sans doute, pour condamner et par la suite se retrouver en privé et sabler le champagne de la complicité.


Avant de conclure, nous voudrions attirer l’attention sur l’activisme suspect de la CEDEAO et de l’UA. En effet, ces deux organisations ont, dans une fraction de secondes et dans la même semaine du coup d’Etat, pris des initiatives, l’une décide de mener une médiation et l’autre tient son conseil de paix et de sécurité à Bamako. N’est ce pas là une manière de se dédouaner aux yeux des africains?


En définitive, notons que le Président malien a été victime d’un complot car aucun argument avancé par les putschistes ne justifie leur coup d’Etat. Le jeu voilé de la France ouvre les pistes de ce complot
Ce coup d’Etat de trop en Afrique occidental, après celui perpétré par la France contre GBAGBO au profil de Ouattara, ruine les espoirs du peuple malien qui marchait joyeusement dans les sentiers de la démocratie. Ceux qui, de loin où de près, ont œuvré à la chute du pouvoir malien, ne peuvent pas prétendre aimer les maliens qui n’attendaient que les élections pour saluer le départ de Toumani Touré « l’heureux incompétent ».
La France, toujours la France, celle des droits de l’homme ne parvient pas à inculquer à l’Afrique les valeurs qu’elle partage si bien en Europe mais qu’elle assassine chez les nègres. Malheureusement dans ses actions déstabilisatrices, elle a des complices noirs, les exécutants, ces assassins de la cause africaine.


Le peuple africain comprendra t-il un jour qu’un chef d’Etat africain qui est adulé par la France, les USA, la Grande Bretagne, l’ONU est un cancer pour les intérêts africains?

Alain BOUIKALO
Juriste-Consultant 


Coup d’Etat contre ATT au Mali: Un journal français dévoile la complicité de Sarkozy

http://ivoire.telediaspora.net/fr/texte.asp?idinfo=65306


Mali. Pourquoi la France en voulait à Amadou Toumani Touré

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http://ivoire.telediaspora.net/fr/texte.asp?idinfo=65305

11.3.2012

crise ivoirienne ou le prélude de la guerre Chine-Occident-par Par Jean-Paul Pougala, professeur à l’Université de la Diplomatie de Genève en Suisse

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Intervention datant de janvier 2011

 

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Depuis le début de la crise ivoirienne, tout et son contraire ou presque ont été dits. Les Occidentaux soutiennent presque tous M. Ouattara qu’ils appellent « Président élu » alors que les Africains soutiennent presque tous le président sortant Gbagbo qu’ils désignent par « Président Réélu ». Au-delà des choix partisans pour l’un ou l’autre président élu ou réélu, il est intéressant de constater qu’il y a une autre bataille celle là à distance qui est en train de se jouer entre la Chine et l’occident en Cote d’Ivoire. A travers des appuis militaires directs ou indirects.

 

L’Occident défend une vieille idée de l’Afrique dans laquelle il contrôle tout à travers ses hommes de mains et s’accommodent volontiers d’une misère de masse. La Chine est celle qui veut changer la donne et faire de l’Afrique la vitrine de sa puissance économique et militaire hors d’Asie. Ce qui froisse fortement l’Union Européenne et les USA. Mais ces derniers ont-ils la force et l’énergie pour résister longtemps au rouleau compresseur chinois qui a malencontreusement décidé de faire de l’Afrique un des piliers de sa superpuissance en construction ? Exactement comme les USA avaient fait de l’Europe il y a 66 ans.

 

Laurent Gbagbo, meilleur symbole des frustrations des Européens et des Africains

 

Pour les Africains, les deux personnages de notre feuilleton symbolisent deux conceptions opposées de la politique africaine. M. Ouattara, se définit comme «Houphouëtiste», c’est-à dire quelqu’un qui était ouvertement contre les Etats-Unis d’Afrique. En 1963, son mentor Houphouët Boigny était avec l’ancien président Sénégalais Léopold Sédar Senghor les 2 principaux fossoyeurs du rêve de Kwame Nkrumah de créer immédiatement les Etats-Unis d’Afrique. Pour Senghor et Houphouët la relation avec la France était plus importante que toute nécessité d’autonomie africaine. Ce dernier avait alors prononcé la célèbre phrase : «Ils disent qu’ils vont unir l’Afrique du Cape au Caire. Ils le feront sans nous, sans ma Cote d’Ivoire». La suite on la connaît : l’OUA est née comme une nullité avec un seul programme cher à Senghor et Boigny : «intangibilité des frontières héritées de la colonisation européenne» et adieu le vieux rêve de Kwame Nkrumah contenu dans son livre prémonitoire publié en 1961 du titre : Africa must unite (l’Afrique doit s’unir si elle ne veut pas connaître famine, pauvreté et guerres) .

 

Mettre fin à la triste parenthèse de l’OUA était une priorité pour Gbagbo dès son arrivée au pouvoir en 2000 pour passer à la nouvelle Union Africaine (en 2002) comme étape intermédiaire vers la création des Etats-Unis d’Afrique. Aujourd’hui, M. Ouattara continue dans la même voie que Houphouët : il ignore les institutions de la Côte d’Ivoire (le conseil Constitutionnel) et préfère attendre sa légitimité de Paris ou de Washington. Il demande à une partie du monde de venir faire la guerre pour tuer une partie du peuple ivoirien.

 

Il demande d’affamer les fonctionnaires ivoiriens en les privant de leur salaire. Il demande à la France d’organiser des commandos sous le couvert de la CEDEAO, et comme Houphouët, il n’a jamais expliqué ce qu’il compte offrir à la France en retour. Aux apprentis sorciers de la théorie des guerres éclair, j’ai envie de dire : aucune élection, aucune personne ne mérite qu’il y ait une seule vie de perdue. Les hommes passent, les empires disparaissent. Mais les cicatrices d’une guerre ne finissent jamais. L’Irak peut-il nous servir de leçon ?

 

Trois exemples hors d’Afrique pour élucider mes propos :

 

• Le 19 décembre 2010, on a voté en Biélorussie, le président sortant a proclamé qu’il a gagné avec 72% et a aussitôt mis en prison les dirigeants de l’opposition. Y-a-t-il un seul pays Européen qui a menacé ce pays d’utiliser la force pour déloger Alexander Loukachenko au pouvoir depuis 16 ans ? L’Union Européenne n’a prévu aucun plan militaire pour aller déloger le dictateur. La raison est simple : les 27 pays de l’Union Européenne ont à cœur la valeur de la vie de leurs frères et sœurs de la Biélorussie. C’est à chacun de soigner ses intérêts et les Européens considèrent la vie humaine en Biélorussie plus importante qu’un dictateur qui s’en ira tôt ou tard.

 

• Le Secrétaire Générale des Nations Unies M. Ban Ki-Moon et le Représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire M. Y Choi sont tous les deux citoyens d’un pays divisé en deux, la Corée. Il y a un des deux présidents Kim Jong-Il qu’ils disent fou et un danger permanent pour sa propre population et pour ses voisins. Mais pour Kim, M. Y Choi et M. Ban Ki-Moon ont toujours justement prôné la retenue. A ceux qui veulent faire la guerre en Côte d’Ivoire, j’ai deux questions : En quoi la vie d’un Coréen serait-elle plus précieuse à préserver que celle d’un Ivoirien ? En quoi la mort des populations civiles en Côte d’Ivoire serait-elle moins grave qu’en Corée ? En quoi Laurent Gbagbo est-il plus dangereux pour ses voisins que le dirigeant Nord-Coréen M. Kim Jong-Il, au pouvoir hérité de son père depuis 17 ans et qui lui-même l’avait exercé pendant 46 ans jusqu’à sa mort et qu’il s’apprête à passer à son fils ?

 

• En Birmanie (Myanmar) en 2000 un vainqueur des élections présidentielles a été privé de sa victoire, pire, privé de liberté pendant 10 ans. Mme Aung San Suu Kyi s’est contentée en silence d’un prix Nobel de la paix, sans jamais exiger une quelconque intervention de l’extérieur pour aller déloger les usurpateurs du pouvoir. La victoire de Mme Aung San Suu Kyi validée par la Cour Constitutionnelle Birmane est-elle moins importante que la défaite de M. Ouattara déclarée perdant par le Conseil Constitutionnel de son pays ?

 

M. Laurent Gbagbo entrera-t-il dans l’histoire comme un dirigeant médiocre, méchant, valeureux ouéclairé ? Nul ne pourra le dire. Ce que nous savons par contre, c’est qu’il est l’homme qui symbolise le mieux les frustrations des Européens et des Africains. La crise Ivoirienne s’est vite transformée en une crise raciale entre les Blancs et les Noirs, entre l’Afrique et l’Europe. Avec cette fois-ci un 3ème larron, la Chine en embuscade.

 

L’Angola, premier partenaire africain de la Chine sur le plan commercial et militaire, soutient indéfectiblement Laurent Gbagbo

 

Le jour précis (17/12/2010) où l’Union Européenne annonçait avoir à l’unanimité choisi le camp de Ouattara dans la crise ivoirienne, contre Laurent Gbagbo, la Chine nous annonçait être devenue le premier partenaire commercial du continent africain en publiant les chiffres de 10 mois d’échanges avec les pays Africains. Il en ressort une augmentation du volume d’affaires à 20 milliards de dollars avec l’Angola faisant de ce pays son premier partenaire africain sur le plan commercial, mais aussi militaire.

 

Et le hasard veut justement que l’Angola soit le pays qui soutient militairement les Forces de Défense et de Sécurité de Laurent Gbagbo en Cote d’Ivoire. Et c’est ce même jour que le général Chinois de division Jia Xiaoning, directeur adjoint du bureau des affaires étrangères au ministère chinois de la Défense était reçu en audience au Cameroun par le Président Biya. Ont-ils parlé de la crise ivoirienne ? La Chine peut-elle aider financièrement l’Europe pour sortir de la crise économique et accepter qu’elle utilise cet argent pour la combattre en Afrique ?

 

Ce qui est sûr, c’est que c’est un scénario que l’Europe n’avait pas prévu. L’annonce la même semaine de l’entrée en service d’ici quelques années de l’avion chasseur bombardier furtif chinois le Chengdu J-20 est-elle un simple hasard de calendrier ou un message militaire lancé aux USA et à l’Europe ? Le message a été bien reçu à Washington, puisque le nouveau avion militaire furtif F-35 en préparation devant remplacer le F-22 est déjà jugé obsolète, et on parle déjà de l’abandon du projet avec des milliers d’emplois à risque, à cause de la nouvelle barre technologique très haute que la Chine vient d’imposer à l’industrie de l’armement américaine jusqu’ici considérée comme la plus avancée du monde.

 

Selon les experts militaires américains, le J-20 chinois doté de gros missiles antinavires est spécialement conçu pour détruire les nouveaux 10 porte-avions américains en construction jusqu’en 2058. On comprend dès lors pourquoi le porte-avion français Mistral qui en ce moment fait route vers Abidjan pour déloger Gbagbo avant la fin du mois de janvier comme nous l’a promis Ouattara, serait détruit par le nouveau J-20 chinois en moins de 5 minutes. Pour l’instant, la Chine ne tirera pas un seul coup dans la crise ivoirienne, mais il y a à parier que la prochaine crise sera très différente, car l’hégémonie européenne qui dure depuis l’an 1454 en Afrique vit ses dernières heures à Abidjan.

 

La crise ivoirienne qui n’était apparemment au départ qu’un simple démêlé entre Européens et Africains s’est très vite révélée comme l’anticipation de la bataille militaire Chine-Occident qui ne fait que commencer, sur le sol africain. C’est aussi le prélude d’une longue saison tumultueuse entre l’Afrique et l’Europe qui peine à accepter l’inexorable autonomie effective de l’Afrique, 50 ans après la parodie d’indépendance. Les généraux de l’armée chinoise sont en train de défiler un peu partout en Afrique pour tisser des accords de partenariat militaire ; à Pékin, on ne cache plus que le vrai but est de neutraliser toutes les rebellions que l’Europe organisera sur le sol Africain pour les freiner et retarder cette autonomie.

 

L’arrivée de la Chine sur la scène politique, économique et militaire africaine est en train de se transformer en cauchemar pour l’Europe qui en perd toute sa lucidité. Depuis 2007 l’Union Européenne a tout mobilisé pour proposer à la Chine une sorte de triangulaire pour stopper les gigantesques investissements de la Chine en Afrique. L’ex-commissaire européen au développement Louis Michel a fait d’incessants déplacements à Pékin pour faire mille propositions sans succès. L’Europe n’en démord pas pour autant, c’est chacun des 27 qui essaie même en solo.

 

L’homme le plus recherché à Pékin et qui donne les maux de têtes aux occidentaux s’appelle : Zhang Ming, le «Monsieur Afrique subsaharienne» du ministère chinois des Affaires étrangères. Tous le détestent et tous lui font la cour. Que lui veulent les Occidentaux ? Ils lui demandent ni plus ni moins que de faire semblant d’aider l’Afrique, sans vraiment passer à l’action. On lui explique que c’est cela les règles du jeu depuis 5 siècles et qu’il y a très gros à gagner. Que répond-il ? NIET.

 

La Chine n’est intéressée par aucune triangulaire. L’Afrique qu’on disait marginalisée est remise par la Chine au centre des convoitises. Le président Chinois a visité presque tous les pays africains et certains, 3 ou 4 fois, lorsque les Présidents américains en 8 ans ne visitent que 2 ou 3 pays africains. Et sur les 27 pays de l’Union Européenne, 21 sont dirigés par des présidents qui n’ont jamais mis pied en Afrique.

 

L’Europe est en train de tomber dans une médiocrité des plus grotesques tentant d’embourgeoiser les Chinois en Afrique et de leur enseigner leurs vieilles recettes mesquines qui ont cloué au sol pendant 50 ans le décollage de l’Afrique, avec des slogans tout aussi burlesques et minables : «L’Union européenne et la Chine se sentent plus près de l’Afrique que tout autre continent.»

 

Les rares documents que nous avons entre les mains des propositions secrètes européennes à la Chine justifient toute cette panique à bord par l’inquiétude des Européens vis à vis d’un probable surendettement de l’Afrique si la Chine continuait sur cette lancée. Cette thèse est complètement saugrenue. C’est comme si un interdit bancaire allait voir son banquier pour lui expliquer qu’il ne dort pas depuis des semaines parce que son voisin risque de devenir surendetté si cette même banque continuait de lui donner des crédits, et le supplie de ne plus traiter directement avec ce voisin, mais de passer par lui afin qu’il filtre et suggère ce qui va bien pour son voisin. Récemment le FMI a refusé un crédit à la RDC au motif que le Congo reçoit des investissements chinois. Edwards Bernays dans son livre «Propagande ou l’art de Manipuler l’opinion publique en démocratie» nous enseigne que la manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique.

 

Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le monde. L’Union Africaine doit reprendre la main en Côte d’Ivoire pour que le gouvernement invisible de l’Europe n’entrave, ne déstabilise et n’enlève pas à l’Afrique une des pièces maîtresses du puzzle (la Côte d’Ivoire) dont elle aura besoin pour former et bâtir le mosaïque des Etats-Unis d’Afrique. Si aujourd’hui la Côte d’Ivoire est sacrifiée pour offrir à l’Europe une consolation de répit dans sa guerre commerciale et industrielle perdue d’avance avec la Chine (comme le diktat chinois sur les terres rares), demain à qui le tour ?

 

La crise ivoirienne aura pour le moins, le mérite de nous donner plusieurs enseignements :

• L’ONU est une boite vide qui nécessite une complète refonte. Cette organisation est en train de se transformer en instrument de déstabilisation des nations et l’initiatrice des guerres civiles plutôt que d’être un instrument de pacification des peuples comme elle a été originellement conçue.

• La finalisation des Etats-Unis d’Afrique est un impératif qui ne peut plus attendre. Tout le processus de la fédération africaine en cours doit être accéléré pour ne pas laisser l’espace aux vieux démons de l’Afrique de faire repartir un nouveau cycle de violences, de guerres et donc de déstabilisation du continent contribuant ainsi comme durant les 50 ans précédents à détourner l’attention des vrais enjeux et des objectifs de création du bonheur pour les populations africaines.

• L’entrainement pour la première guerre mondiale du 21ème siècle entre l’Occident (Europe/USA) et la Chine se fera très probablement sur le sol africain. Le déclin des premiers ne les prive pas de l’instinct d’arrogance habituelle pour continuer d’humilier la seconde en lui intimant ce qu’elle doit faire en Afrique, sur la dévaluation du Yuan. Le ridicule ne tue pas. Ce sont les pays qui se sont de trompés de politique et sont responsables d’une crise financière mondiale, qui prétendent de donner des leçons à la Chine qui elle a été vertueuse dans sa gestion. Il y a une ligne rouge que tôt ou tard l’Occident va traverser et ce jour là, cela va faire : boum ! Et c’est pour ce boum que l’Afrique sert aujourd’hui à l’un et à l’autre de terrain d’entrainement.

Gbagbo, enjeu du contrôle de l’Eldorado pétrolier du Golfe de Guinée

 

 

Il me plaît de conclure avec ces deux extraits de commentaires sur la crise ivoirienne:

1. «Les colonialistes ont toujours un masque. Ils ne disent jamais du bien de vous. Ils pillent vos ressources naturelles. Ils ont commis des génocides à l’égard des Indiens d’Amérique, détruit des civilisations comme celle des Aztèques. Au nom de la liberté du commerce, ils ont imposé à la Chine trois guerres d’opium. Au nom de l’esclavage, ils sont venus imposer le travail forcé en Afrique. Aujourd’hui, c’est au nom de la justice internationale qu’ils interviennent en Cote d’Ivoire. Quelle est cette justice Internationale ? Les magistrats du Tribunal Pénal International sont atteints de ce qu’on appelle un daltonisme au noir. Le dalton ne voit pas certaines couleurs. Ils ne voient que le noir. Si vous allez à la Cour internationale, tous les inculpés sont noirs, pas parce qu’il ne s’est rien passé à Gaza, pas parce qu’il ne s’est rien passé à la prison d’Abu Graïb. La question que je me pose maintenant est : Pourquoi l’Afrique accepte-t-elle cela ? Je ne dis pas que tout le monde est innocent, mais si ces gens sont coupables, c’est aux Africains de les juger. Pourquoi l’Afrique accepte-t-elle que ses dirigeants soient jugés par une bande de cosmopolites qui la méprisent». Jacques Vergès, avocat français

2. «Derrière le maintien ou non de Gbagbo au pouvoir se joue le contrôle du Golfe de Guinée, cet Eldorado pétrolier que Français ou Américains, en perte de vitesse dans le monde arabe, et unis pour cette fois, ne souhaitent pas voir passer en d’autres mains. A leurs yeux, Alassane Ouattara, ami personnel de Sarkozy, ancien directeur du FMI et gestionnaire libéral, représente un interlocuteur beaucoup plus crédible que Gbagbo le nationaliste». Colette Braeckman, journaliste au quotidien belge Le Soir. Née en 1946, grand reporter, elle collabore aussi au « Monde Diplomatique »

Voilà pourquoi à mon avis il n’y a jamais eu d’élection en Côte d’Ivoire, mais une parodie d’élection. Avec 300 milliards de francs des Ivoiriens que l’Onu a jeté par la fenêtre pour un simulacre d’élection, on aurait pu construire 300 hôpitaux, 1.000 écoles, 50 Universités, 3.000 crèches, 5.000 dispensaires.

 

Par Jean-Paul Pougala, professeur à l’Université de la Diplomatie de Genève en Suisse (co-auteur de «L’Afrique, l’Europe et la Démocratie Internationale» )

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