Survivants13 (ancien "Survie 13 françafrique bas les masques")

8.6.2015

Le Journal de l’Afrique 11

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Le Journal de l’Afrique N°11
Editorial
De l’Afro-pessimisme à l’Afro-optimisme : les enjeux d’un changement de paradigme
Par Carlos Sielenou
Les nouvelles générations militantes africaines : Espoirs et vigilances
Par Said Bouamama
Pourquoi l’Occident devient de plus en plus agressif en Afrique
Par Olivier Atemsing Ndenkop
Futurs champs de bataille des États-Unis d’Amérique en Afrique
Par Nick Turse
Après Diouf et Wade, voilà le « Tirailleur » Macky Sall:
Pourquoi l’élite politique régnante du Sénégal est-elle servile et contre la paix?

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19.1.2015

Charlie Hebdo : chercher à comprendre pour éviter les pièges

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Par Grégoire Lalieu
Source : Investig’Action : http://www.michelcollon.info/Charlie-Hebdo-chercher-a.html?lang=fr

Quel rapport entre la découverte du pétrole, le rire de Nasser, la guerre d’Algérie, la révolte des banlieues et l’attentat de Charlie Hebdo ? Aucun si l’on s’en tient au registre émotionnel et au discours sécuritaire qui ont fait suite à l’attaque du journal satirique. Pourtant, si l’on ne peut accepter que deux jeunes Français ayant sombré dans le fanatisme religieux assassinent des journalistes en plein Paris, il est nécessaire de s’interroger sur ce qui a rendu possible l’impensable. Cette réflexion nous amène nécessairement à remonter le mal jusqu’à ses racines pour analyser ce qui s’est passé tant au Moyen-Orient qu’en France ces dernières décennies. Cet article porte donc davantage sur ces deux éléments que sur l’attentat du 7 janvier. Un exercice indispensable à l’heure où le drame qui a ébranlé la France est ramené à la seule dimension de la liberté d’expression. Un exercice indispensable à l’heure où une partie de la classe politique, dans l’impossibilité d’interroger ses responsabilités, propose d’adopter un Patriot Act français pour nous protéger de la menace terroriste. Un appel lancé depuis une marche pour… la liberté d’expression !

L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut. (Martin Luther King)

Charlie Hebdo a fait rire. Charlie Hebdo a fait grincer des dents. Mercredi 7 janvier, Charlie Hebdo a, peut-être pour la première fois, fait pleurer. Deux individus lourdement armés ont pris d’assaut la rédaction du journal satirique laissant derrière eux douze morts. La nouvelle a giflé la France. Choqué, on a découvert sur les chaînes d’info en continu les premiers détails du drame. Et puis des noms sont tombés. Cabu. Wolinski. Charb. Morts au combat. On se souvient que Charlie Hebdo s’était engouffré sur un terrain miné en publiant, en 2005, des caricatures du Prophète Mohamed reprises d’un journal conservateur danois. On se souvient que depuis, les crayons de l’hebdomadaire satirique s’étaient donné à cœur joie de dézinguer l’islam comme il s’était toujours appliqué à désacraliser l’intouchable. Avec une adresse relativement appréciée. Une nuit de novembre 2011, la rédaction du journal était la cible de cocktails Molotov. Charb, directeur de publication, réagissait : « Je n’ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. C’est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. »

Mercedi, Charb, Cabu et Wolinski sont morts pour des dessins. On pense que jamais on ne pourra digérer l’indigeste. On reste assommé devant sa télévision. Mais déjà, des réactions tombent à chaud. Au micro d’iTélé, le journaliste Serge Moati en appelle à « un combat national, français, contre l’islamisme » avant d’ajouter que « l’islam ne doit pas être caractérisé par ces salauds-là. » Dans une allocution aux allures présidentielles, Nicolas Sarkozy déclare : « Notre démocratie est attaquée. Nous devons la défendre sans faiblesse. La fermeté absolue est la seule réponse possible. » Il ajoute en fin de discours : « J’appelle tous les Français à refuser la tentation de l’amalgame et à présenter un front uni face au terrorisme, à la barbarie et aux assassins. » Venant du président d’un parti qui fait les yeux doux à l’électorat du FN, venant d’un ancien président de la République qui se plaignait du trop grand nombre de musulmans en Europe et qui voyait dans l’histoire des caricatures le signe avant-coureur du choc des civilisations , les précautions de Sarkozy sur les amalgames sonnent aussi justes que la tirade d’un beauf au café du commerce qui débute par l’inévitable : « Je ne suis pas raciste, mais les Noirs et les Arabes… ». Enfin, il y a la réaction de Philippe Val au micro de France Info . L’ancien directeur de Charlie Hebdo a relevé que « quelque chose » se répandait en France et parmi les musulmans.

Alors, malgré la gueule de bois que nous laissent les portraits des dessinateurs de Charlie dans la rubrique nécrologique, on se dit qu’on doit réagir nous aussi. Réagir pour comprendre ce « quelque chose » qui se répand en France. Réagir parce qu’on n’accepte pas que l’on puisse mourir pour des dessins. Réagir parce que personne ne souhaite que cela se reproduise. Comment ? Difficile de poster des policiers devant toutes les rédactions. Et pourquoi, encore, demander aux musulmans de se désolidariser de cet acte terroriste comme l’a fait la campagne Not in my Name ? Comme si, comme le relevait Rue89, les musulmans étaient, par défaut, solidaires des actes terroristes : « Nous devrions interroger la petite satisfaction à voir un imam affirmer qu’il condamne l’égorgement d’un otage, comme si nous étions rassurés de constater qu’il y avait de “bons musulmans”, comme s’il fallait que les musulmans prouvent qu’ils peuvent être bons, qu’ils prouvent qu’il y a un islam ouvert, tolérant. »

Comment les autorités françaises entendent-elles dès lors, s’attaquer au problème du fanatisme ? Comme elles règlent celui de la délinquance, en installant des caméras de surveillance partout sans toucher au problème des inégalités sociales ? Pas très efficace… Le drame qui a frappé Charlie Hebdo nécessite qu’on analyse le mal à sa racine. Et cette analyse nous conduit vers deux phénomènes à considérer parallèlement : la politique menée par l’Occident au Moyen-Orient depuis la découverte du pétrole ainsi que la montée de l’islamophobie.

L’islamisme réactionnaire contre le nationalisme arabe

Il fut un temps où en Egypte, le président s’esclaffait à l’idée d’obliger les femmes à porter le voile. C’était du temps de Nasser. C’était l’âge d’or du nationalisme arabe. Un courant laïc et progressiste que l’Occident, emmené par les Etats-Unis, a combattu en s’appuyant sur l’islamisme réactionnaire d’Arabie saoudite. Mohamed Hassan nous l’explique dans le livre Jihad made in USA : « La découverte de gigantesques gisements de pétrole a fait du Moyen-Orient une région extrêmement stratégique pour les impérialistes. Or, avec le développement du nationalisme, des pays arabes manifestaient le désir de prendre leur destin en main et de disposer souverainement de leurs richesses. Cela aurait été une catastrophe pour les Occidentaux qui non seulement auraient été privés de pétrole bon marché, mais qui en plus auraient dû faire face à un puissant rival si le panarabisme de Nasser avait porté ses fruits. Le dirigeant égyptien souhaitait en effet que les pays de la région, qui avaient été découpés arbitrairement par les puissances coloniales, se réunissent à nouveau autour de leur identité arabe. De leur côté, les islamistes réactionnaires voyaient d’un très mauvais œil l’émergence du nationalisme arabe. Ce courant était tout d’abord porteur de modernité. De plus, bien qu’il ait reconnu l’islam comme un élément essentiel de la culture arabe, Nasser avait fait de la laïcité une ligne directrice en matière de gestion politique. Le nationalisme arabe était donc aux antipodes de ce que les réactionnaires du Golfe appliquaient chez eux. »

Dans La stratégie du chaos, Mohamed Hassan nous explique comment l’islam politique des Saoud a été érigé en modèle contre le nationalisme de Nasser : « Pour contrer l’influence de l’Union soviétique, Eisenhower mit au point une stratégie consistant à apporter un soutien financier et militaire à tout pays du Moyen-Orient qui serait “menacé par le communisme”. Mais la doctrine Eisenhower fut un échec. D’une part, l’envoi de grosses sommes d’argent vers des pays riches en pétrole soulevait beaucoup de questions aux Etats-Unis. D’autre part, les pays arabes qui auraient accepté cette aide se seraient ouvertement affichés contre l’Egypte nassérienne qui avait encore le vent en poupe à l’époque auprès des populations de la région. Alors, Washington élabora une autre stratégie. On allait employer l’islam comme une arme politique pour contrer le nationalisme arabe laïque de Nasser. (…)L’Arabie saoudite créa la Ligue islamique mondiale, une organisation ultraconservatrice inspirée par l’extrémisme wahhabite pour contrer l’influence de Nasser. La Ligue déclarait par exemple que le nationalisme était le pire ennemi des Arabes. Dans un premier temps, la popularité de Nasser étant tellement grande, cet islam politique ne rencontra pas un grand succès. Mais la défaite du président égyptien dans la guerre des Six Jours changea la donne. Après ce conflit et la perte de prestige du nassérisme, l’alternative offerte par Fayçal reçut un plus grand soutien populaire et l’Arabie saoudite devint un acteur-clé du Moyen-Orient. »

Mohamed Hassan nous explique également comment l’Egypte rentra dans le droit chemin après la mort de Nasser. Les Etats-Unis et l’Arabie saoudite achetèrent le nouveau président égyptien, Anouar al-Sadate, pour qu’il s’écarte du nationalisme arabe. Cela impliquait de faire la paix avec Israël et d’ouvrir l’économie aux multinationales. Des décisions qui n’enchantaient pas le peuple égyptien. Le prestige de Nasser était encore fort et voilà que Sadate entendait faire tout l’inverse de son prédécesseur ! Pour liquider l’héritage du nassérisme, le président égyptien décida donc de s’appuyer sur l’islamisation de la société égyptienne. Les Frères musulmans, violemment réprimés par Nasser, furent ainsi autorisés à revenir en Egypte. Alors que la politique d’ouverture économique menée par Sadate plongeait de nombreux Égyptiens dans la pauvreté, les Frères développèrent une base sociale importante en subvenant aux besoins des plus démunis à travers un vaste réseau de charité. Ils étaient pour cela aidés par les riches monarchies du Golfe.

Voilà comment une forme réactionnaire de l’islamisme s’est durablement installée au Moyen-Orient. Encore faut-il préciser, n’en déplaise à Serge Moati, que l’islamisme recouvre des notions bien diverses. Galvaudé par les médias occidentaux, le terme est devenu un concept fourre-tout. Mohamed Hassan distingue pourtant cinq courants parfois contradictoires. Quelle différence en effet entre l’islam réactionnaire des Saoud et celui d’autres mouvements inspirés par la théologie de la libération par exemple ! Et comment ranger dans un même panier des islamistes comme Abdelkader ou Omar al-Mokhtar qui combattirent les puissances coloniales et d’autres comme Mohamed Morsi qui, à la tête de l’Egypte, avaient déjà entrepris de se soumettre aux diktats du FMI ? La nuance reste de mise même lorsqu’on aborde un mouvement tel que les Frères musulmans. Il fut fondé pour combattre la domination britannique en Egypte. La direction des Frères s’est depuis ralliée aux intérêts des puissances néocoloniales. Cette vaste organisation n’en reste pas moins traversée par différentes tendances, comme tout parti politique. Certaines, plus progressistes, voudraient faire évoluer les Frères musulmans. L’islamisme n’est donc pas un gros mot. Mais il nous montre que, comme toute idéologie, il fait l’objet d’une lutte entre différents courants. Et malheureusement, en grande partie pour les raisons que nous venons d’évoquer, ce sont actuellement les plus réactionnaires qui dominent.

Le jihad en Syrie, pas à Paris

L’impact de la politique menée par l’Occident au Moyen-Orient ne s’arrête pas là. Parmi les différents courants que recouvre l’islamisme, Mohamed Hassan distingue également la mouvance jihadiste et rappelle que « le jihad est aussi un combat que le musulman doit avant tout mener contre lui-même pour faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en lui. Le jihad peut donc être quelque chose de très positif ! » Mais le jihad fait aussi référence à une lutte armée. Une lutte menée d’abord en Afghanistan contre les Soviétiques et avec l’aide de la CIA. Ben Laden était à l’époque un ami des Etats-Unis. Après les attentats du 11 septembre toutefois, la guerre contre le terrorisme lancée par Bush a quelque peu malmené le mouvement jihadiste. On pensait alors cette mouvance réduite à quelques rescapés tapis dans des grottes. L’ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, Alain Chouet, avait même déclaré devant le Sénat : « La Qaida est morte, sur le plan opérationnel, dans les trous à rats de Tora Bora en 2002 ».

Pourtant, depuis quelques années, les mouvements jihadistes semblent avoir repris du poil de la bête. Le plus célèbre d’entre eux aujourd’hui, Daesh, est même parvenu à créer un Etat à cheval sur l’Irak et la Syrie. Comment expliquer cette résurgence ? Différents facteurs entrent en compte comme nous l’explique Mohamed Hassan dans Jihad made in USA. L’invasion de l’Irak en 2003 tout d’abord. Après la chute de Saddam Hussein, les baathistes irakiens se sont organisés pour résister à l’occupation US. Mais, avec l’aide de l’Iran, les Etats-Unis ont mis en place un nouveau gouvernement. Trop chiite pour l’Arabie saoudite qui craignait de voir l’influence de Téhéran s’étendre dans la région. La monarchie a donc appuyé la création de groupes sunnites extrémistes en Irak. Parallèlement à cela, les Etats-Unis s’étaient lancés dans la « débaathification » de l’Irak, c’est-à-dire qu’ils avaient entrepris de démanteler totalement la structure laïque de l’Etat dirigé par Saddam Hussein. Ceci explique comment la résistance à l’occupation US a viré au conflit confessionnel opposant sunnites et chiites. Ceci explique aussi comment de nouveaux mouvements jihadistes sont apparus après la mort opérationnelle d’Al Qaïda.

Ensuite, la guerre en Libye a également permis à d’anciens mouvements jihadistes de retrouver certains soutiens. Mohamed Hassan rappelle ainsi : « Pour combattre l’armée de Kadhafi, le gouvernement US n’a pas hésité à s’allier à des groupes jihadistes. Il savait que l’est de la Libye était un sanctuaire de terroristes comme en atteste un rapport de l’académie miliaire de West Point rédigé en 2007. Nous savons aussi que la CIA s’est appuyée sur l’ancien leader du GICL. L’amiral Stavridis, commandant suprême des Forces alliées de l’Otan en Europe reconnaissait d’ailleurs que des combattants de ce groupe affilié à Al Qaïda participaient aux efforts pour renverser Kadhafi, mais qu’ils le faisaient “à titre personnel”. La déclaration date de 2011. Elle pourrait faire sourire si nous ne connaissions pas les conséquences tragiques de l’intervention de l’Otan en Libye. »

De même, en Syrie, les Etats-Unis et leurs alliés, Turquie, Arabie saoudite et Qatar, se sont appuyés sur des groupes jihadistes pour combattre l’armée syrienne. La fable du « printemps syrien » voudrait que Washington ait opéré une distinction pointilleuse entre les rebelles modérés et les extrémistes. En réalité, la plupart des experts s’accordent à dire que cette distinction relève de la fiction. Selon la situation sur le terrain et les aides apportées aux différents groupes, un combattant pouvait ainsi se battre sous la bannière de l’ASL un jour et sous celle du Front al-Nosra le lendemain. Rappelons en outre que les « modérés » ne le sont pas tant que ça… Tout le monde se souvient de Khalid al Hamad, l’homme qui, devant une caméra, porta le cœur d’une de ses victimes à la bouche. Il dirigeait la brigade al Farouk, affiliée à l’ASL, les « démocrates ».

En détruisant l’Irak et en menant des guerres de proximité en Libye et en Syrie, les Etats-Unis et leurs alliés ont donc contribué à la résurgence de la mouvance jihadiste. « Après les fiascos d’Irak et d’Afghanistan, poursuit Mohamed Hassan, Barack Obama s’est trouvé dans l’impossibilité d’engager ses troupes dans un nouveau conflit. Pourtant, les États-Unis n’ont pas renoncé à leurs prétentions sur le Moyen-Orient. La présidence d’Obama consacre donc le retour du “soft power” : plutôt que d’envoyer ses soldats au casse-pipe, Washington utilise des groupes sur place. Ça ne vous étonnera sans doute pas, parmi les proches conseillers d’Obama, on retrouve un certain Zbigniew Brzezinski. C’est lui qui a eu l’idée d’armer des fanatiques musulmans en Afghanistan pour combattre l’armée afghane et les troupes soviétiques dans les années 80. En Libye, les États-Unis n’avaient d’autre choix que de recourir aux jihadistes. En Syrie, ils espéraient pouvoir démobiliser une grande partie de l’armée en jouant la carte confessionnelle. Les déserteurs devaient ainsi venir grossir les rangs de l’Armée syrienne libre. Or, il y a bien eu des défections. Mais les soldats qui ont quitté leur poste ont généralement quitté le pays en même temps. En Syrie aussi, les États-Unis n’avaient donc d’autre choix que de s’appuyer sur des jihadistes. Mais utiliser ces groupes est une chose, les contrôler en est une autre. »

Comment l’islamophobie a gangrené la France

Le retour du soft power n’a pas seulement été marqué par l’utilisation de groupes sur place. Des jeunes ont également quitté l’Europe pour aller se battre. L’un des auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo était d’ailleurs un jihadiste bien connu des services français. Car le fanatisme religieux ne gangrène pas seulement les champs de bataille en Irak, en Syrie ou en Libye. Il a également trouvé des adeptes en Europe et en France plus particulièrement. Sans doute le « quelque chose » qu’évoquait Philippe Val et qui ne peut être compris qu’à la lumière du climat islamophobe qui s’est fortement développé dans la foulée des attentats du 11 septembre, mais dont les racines remontent à plus loin, comme nous l’explique le sociologue Saïd Bouamama avec qui nous nous sommes entretenus : « L’islamophobie a en premier lieu des racines très anciennes en France puisqu’elle faisait partie de la stratégie idéologique coloniale. Pour justifier la mission civilisatrice, une des armes utilisées était l’approche culturaliste de la religion musulmane. On la présentait comme homogène, comme conduisant inévitablement au fanatisme et comme incapable d’adaptation au contexte “moderne”. Cette image de l’Islam a été véhiculée massivement dans les livres scolaires, les films, les images, etc. Elle s’est ancrée de ce fait dans les mentalités collectives, mais avait comme contrepoids une conscience ouvrière forte appelant à prendre en compte les dimensions communes : les intérêts de classe et la culture ouvrière. Lors des indépendances, aucun travail n’a été mené pour déraciner et déconstruire cette stigmatisation de l’Islam. L’époque était cependant encore aux luttes et aux conquêtes sociales, ce qui relativisait le poids de ces héritages réactionnaires. »

La crise économique des années 70 va cependant changer la donne et les clichés de l’époque coloniale vont alimenter le fonds de commerce de l’extrême droite. « Avec la crise structurelle et systémique qui a touché le capitalisme français dans la décennie 70, poursuit Saïd Bouamama, le Front National a repris à son compte toutes ces caricatures de l’Arabe, du Noir et du musulman issus de la période coloniale. N’ayant pas été éradiquées, ces images se sont endormies, mais étaient toujours disponibles. Le Front National, dont une partie importante des dirigeants ont été formés pendant la guerre d’Algérie et y ont participé, a investi ce terreau propice. Il a ainsi pu sortir de la dimension groupusculaire dans laquelle était cantonnée l’extrême droite depuis la victoire contre le nazisme en 1945. Dans la décennie 80, le Parti Socialiste a mis en place des politiques ultralibérales qui ont fragilisé profondément les classes populaires. Or, les processus de paupérisation massive et de précarisation sont producteurs d’un sentiment de désespérance sociale pour le monde ouvrier. Un sentiment que le Front National tente de récupérer à son profit. »

Le parti d’extrême-droite a tiré habilement son épingle du jeu, parvenant à une lepénisation des esprits en France, comme nous l’explique Saïd Bouamama : « Entièrement engagés dans les politiques de dérégulation, les gouvernements socialistes puis de droite tentent d’éviter les colères sociales en diffusant des grilles ethniques de lecture (sur la délinquance, sur l’insécurité, sur la dégradation des conditions de vie dans les quartiers populaires, etc.) c’est-à-dire en reprenant les thèmes, les logiques, les manières de poser les questions sociales du Front National. C’est un véritable processus de lepénisation des esprits qui se met en place. Parallèlement, au sein des classes populaires, la composante issue de l’immigration des anciennes colonies est celle qui est la plus touchée par la crise en même temps où elle est désignée comme responsable des maux sociaux par la lepénisation des esprits. »

Devenus les nouveaux boucs-émissaires d’une France gangrénée par le racisme, certains jeunes vont trouver un exutoire dans la religion. « Progressivement, les discriminations se massifient et deviennent systémiques, impactant le devenir des jeunes français issus de l’immigration postcoloniale, précise Saïd Bouamama. Pour une partie d’entre eux, le réinvestissement de la foi musulmane a été un antidote à l’autodestruction. Pour d’autres, la réaction est sous forme de révoltes culminant en novembre 2005 par l’explosion de 400 quartiers populaires pendant 21 jours contre les injustices qui les touchent en termes de discriminations, de relégations et de contrôles policiers débouchant sur de multiples morts de jeunes sous les balles de la police. Les organisations de gauche étaient coupées des quartiers et des classes populaires, elles refusaient de prendre en charge la lutte contre les discriminations racistes, les considérant comme soit inexistantes, soit comme secondaires. Ces organisations de gauche étaient donc incapables de saisir qu’il s’agissait d’une révolte populaire et l’ont laissée dans l’isolement, contribuant ainsi à creuser un fossé. Le Front National initie alors la conversion de son idéologie raciste antimaghrébine en racisme contre les musulmans et contre l’islam c’est-à-dire en islamophobie. »

Mais le nouveau cheval de bataille de l’extrême droite dépasse largement les seuls meetings du FN. « La nouvelle thématique sera comme les précédentes, reprise par la droite classique et le Parti Socialiste, enchaîne Saïd Bouamama. La loi sur le foulard en 2004 marque le passage à une islamophobie d’Etat désignant l’islam comme danger pour la république, le droit des femmes et la laïcité. Cette stratégie ne désarme pas le Front National qui devient brusquement “républicain” lui qui depuis sa naissance frayait avec les monarchistes. Il devient brusquement “féministe”, lui qui depuis sa naissance était pour le retour des femmes au foyer et pour le retour à la tradition. Il devient brusquement laïque, lui qui depuis sa naissance était pour une France chrétienne. Les bases d’un consensus transversal antimusulman sont posées. Les uns en attendent une progression de leur audience politique qu’ils emmagasinent à chaque élection. Les autres au Parti Socialiste et à droite s’en servent comme débat-écran pour détourner l’attention des véritables questions sociales. »

Et ce contexte islamophobe a bien évidemment un impact sur ces quelques jeunes Français qui ont versé dans le fanatisme religieux pour partir faire le jihad au Moyen-Orient. Avec tous les problèmes que pose leur retour, leur départ n’en étant pas moins problématique. L’un des auteurs de l’attaque de Charlie Hebdo se serait ainsi félicité d’avoir « vengé le Prophète ». « Fragilisés socialement, victimes de discriminations massives (à la formation, à l’emploi, dans la recherche de logement, etc.), humiliés par des contrôles de police permanents, présentés comme un danger pour la société, mis en accusation permanente dans les médias et enfin de nouveau humiliés par les attaques incessantes contre l’islam, certains de ces jeunes sont en recherche d’un canal pour exprimer leur révolte« , relève Saïd Bouamama. « De surcroit, le spectacle de guerres d’agression pour le pétrole accompagné du même discours antimusulman qu’ils subissent déjà, dans un contexte d’abandon des quartiers populaires par les organisations de gauches, en font un terrain propice pour tous les manipulateurs de la misère et de la souffrance humaine. Si la majorité des jeunes ne sombre pas dans le nihilisme, une minorité d’entre eux sont dans la recherche d’un canal pour à la fois exprimer leur révolte et trouver un débouché au nihilisme autodestructeur qui les touche. »

Charlie Hebdo : des gauchistes anars ou des réacs islamophobes ?

Comment situer Charlie Hebdo dans ce contexte islamophobe ? Le journal est lancé en 1960 par le Professeur Choron et François Cavana. Il s’appelle alors Hara-Kiri et annonce le ton : bête et méchant. Précurseur d’une certaine manière de mai 68, la bande de joyeux drilles semble décréter avant l’heure qu’il est interdit d’interdire… de rire. Une ligne éditoriale qui ne passe pas toujours très bien. En 1970, la une du journal sur la mort du général de Gaulle conduit à l’interdiction d’Hara-Kiri. Choron et Cavana trouvent la parade et reviennent avec Charlie Hebdo. Wolinski explique à l’époque qu’il est gauchiste, avant de préciser qu’il est surtout quelqu’un « qui doute de tout » . « Y a des tendances qui nous sont plus sympathiques que d’autres », précise Cavana. « Ce qui est certain, c’est qu’on est contre le sectarisme, quel qu’il soit. On doit jamais abdiquer la liberté de penser, c’est-à-dire l’esprit critique. Tout est critiquable, rien n’est sacré. » En ce sens, Hara-Kiri d’abord et Charlie Hebdo ensuite ont contribué à libérer la pensée. Et le journal incarnait une certaine idée du progrès.

En 1981, le titre disparaît. Manque d’abonnés. Onze ans plus tard, l’hebdo renaît. On y retrouve Philippe Val aux manettes jusqu’en 2009. Ses positions tranchent avec l’esprit gauchiste qui avait animé Charlie Hebdo par le passé. Philippe Val défend le « oui » au référendum sur la Constitution européenne, soutient la guerre en Irak, attaque Chomsky à coup de calomnies, propage de fausses rumeurs sur le Forum Social Européen et ouvre les colonnes de Charlie à Caroline Fourest. En 2006, il se fend de ces quelques mots dans les colonnes de son journal : « Si l’on regarde une carte du monde, en allant vers l’est : au-delà des frontières de l’Europe, c’est-à-dire de la Grèce, le monde démocratique s’arrête. On en trouve juste un petit confetti avancé au Moyen-Orient : c’est l’État d’Israël. Après, plus rien, jusqu’au Japon. (…) Entre Tel-Aviv et Tokyo règnent des pouvoirs arbitraires dont la seule manière de se maintenir est d’entretenir, chez des populations illettrées à 80 %, une haine farouche de l’Occident, en tant qu’il est constitué de démocraties. » Et tant pis si, comme le relevait le Plan B, selon un rapport des Nations Unies, seuls trois pays dans le monde avaient encore un taux d’illettrisme de 80 % et qu’aucun de ceux-là n’était situé entre Tokyo et Tel-Aviv.

Avec Philippe Val, « quelque chose » s’est répandu à Charlie Hebdo. Aussi, on voudrait croire que certains dessins, comme celui sur les esclaves sexuelles de Boko Haram, s’inscrivent dans la tradition loufoque du journal bête et méchant. Mais on finit par se demander s’ils n’auraient pas plus leur place dans Valeurs Actuelles. D’autant que la liberté de ton ne vaut plus pour tout à Charlie Hebdo. Cavana disait qu’il fallait pouvoir taper sur tout le monde. Philippe Val pose des limites où il l’entend. En 2008, Siné ironise sur la possible conversion au judaïsme de Jean Sarkozy. Quelques jours auparavant, Libération l’avait déjà évoquée très sérieusement. Mais dans le Charlie nouveau, ça ne passe pas. Ça ne passe plus. Siné, à qui on devait le dessin d’une nonne se masturbant avec un crucifix, est prié de prendre la porte. D’autres l’avaient prise avant lui. Comme Olivier Cyran qui dénonçait « la conduite despotique et l’affairisme ascensionnel » de Philippe Val.

Charlie Hebdo était-il devenu un journal réac ? Charb pouvait se moquer de l’islam tout en défendant la cause palestinienne. Quand Val faisait la promo de la Constitution européenne, Cabu appelait à voter non quelques pages plus loin. Et si le même Val louait la diplomatie US, Wolinski soutenait Cuba. Tous les dessinateurs de Charlie n’avaient donc pas retourné leurs vieilles vestes d’anars gauchistes. Mais les valeurs que sous-tend leur engagement ont pu être instrumentalisées au profit de causes pas très glorieuses. Ainsi, dans une France où les amalgames islamophobes sont devenus légion, représenter le Prophète Mohamed en terroriste ne relevait pas de l’exploit. « Charlie Hebdo fait partie des multiples couches islamophobes qui se sont cumulées ces dernières années et qui continuent récemment avec un Zemmour ou un Houellebecq, indique Saïd Bouamama. Bien que comportant dans son équipe des personnalités différentes et des points de vue politiques différents, ils ont en commun un rapport à la religion antimatérialiste, la percevant par principe comme réactionnaire en tout lieu et en tout temps. Certains ont donc pensé sincèrement que l’Islam était le nouveau danger religieux d’aujourd’hui. D’autres comme Val ont surfé sur la vague islamophobe en cours dans la société et propulsée par l’Etat pour tenter d’augmenter l’audience économique du journal. C’est lui qui fait prendre un tournant radical au journal en prenant l’Islam comme cible privilégiée. Il ne s’agit plus d’une approche globale antireligieuse (même si quelques articles continuent à cibler d’autres religions), mais de prendre comme cible une religion spécifique. »

Voilà pour le contexte islamophobe. Quelles que fussent les prises de position de Charlie Hebdo, rien ne saurait évidemment justifier l’attentat de mercredi. Il s’agit plutôt de comprendre les facteurs qui ont rendu possible l’impensable. Cette compréhension est d’autant plus importante que déjà, des tentatives de récupération politique malsaine voient le jour, nous appelant à creuser encore alors qu’on pensait avoir touché le fond. En Grèce, pour dénoncer son adversaire de la gauche radicale, Antonis Samaras, premier ministre issu du parti conservateur Nouvelle Démocratie, a déclaré : « Aujourd’hui à Paris, un massacre s’est produit avec au moins douze morts. Et ici certains encouragent encore davantage l’immigration illégale et promettent la naturalisation » . Le milliardaire américain Donald Trump a quant à lui invité la France à autoriser le port d’armes : « Souvenez-vous, quand les armes sont hors la loi, seuls les hors-la-loi sont armés ! » . De son côté, Marine Le Pen a appelé à un référendum sur la peine de mort. C’est dur d’être pleuré par des cons…

« Malheureusement, la solution nécessite une action dans plusieurs directions simultanément, soulève Saïd Bouamama. Il s’agit à la fois de s’opposer aux guerres pour le pétrole pour orienter la colère légitime vers le politique afin qu’elle ne soit pas dévoyée. Il s’agit en second lieu de combattre sans concession l’islamophobie afin de briser le sentiment d’isolement face aux attaques que ressent cette partie importante quantitativement des classes populaires. Il s’agit également d’organiser ces jeunes afin que s’organise avec eux le combat contre les discriminations systémiques, contre les contrôles et crimes policiers. Il s’agit enfin de produire une nouvelle perspective commune qui remet en cause les choix économiques actuels et la politique internationale française. Sans cela, des révoltes légitimes continueront à être dévoyées ».

Le choc des civilisations ou la lute des classes ?

Dimanche 11 janvier à Paris, la marche républicaine en hommage aux victimes des attentats a réuni 1,5 million de personnes. Il était beaucoup question de liberté d’expression malgré la présence de Netanyahou en tête de cortège. En 2014, Gaza a été le deuxième plus grand tombeau de journalistes dans le monde . Au mois d’août, durant le confit mené contre la petite bande de terre palestinienne, les reporters qui souhaitaient entrer dans Gaza devaient signer une décharge pour empêcher toute poursuite contre l’armée israélienne en cas de blessure ou de mort . En matière de liberté d’expression, on a vu mieux.

L’attentat contre Charlie Hebdo ne peut cependant être ramené à cette seule dimension. Ses racines, l’imposition d’un islamisme réactionnaire au Moyen-Orient et la marginalisation des jeunes issus de l’immigration, dépassent largement le cadre de la liberté d’expression. Une grande partie de la classe politique, des médias et des intellectuels de gauche comme de droite réduit pourtant les événements à cet unique combat. Ils imposent ainsi, malgré les mises en garde sur les amalgames, une grille de lecture calquée sur le choc des civilisations. Ils posent la contradiction entre jihadistes fanatiques d’un côté et citoyens républicains de l’autre. Les premiers ne seraient que des fous de Dieu. Nous avons vu pourtant que derrière ce fanatisme, il y avait une énorme frustration qui, faute d’alternative politique constructive, avait été canalisée vers l’impasse jihadiste. De l’autre côté, les citoyens réunis dans un grand front républicain sont invités à défendre farouchement les valeurs démocratiques menacées par l’obscurantisme religieux.

Le débat posé en ces termes ne permettra pas de sortir la tête de l’eau. Au contraire. On peut s’attendre à un clivage plus fort de la société, à la montée de l’extrême-droite, à des mesures sécuritaires liberticides, à l’instauration d’un climat de psychose et à la poursuite de la radicalisation d’une minorité de jeunes. Aucune solution constructive et efficace donc. À qui profite dès lors cette grille de lecture ? À ceux qui ont combattu le nationalisme arabe pour piller le pétrole du Moyen-Orient. À ceux qui font la guerre par jihadistes interposés pour que leurs multinationales fassent toujours plus de profits. À ceux qui continuent de creuser le fossé entre riches et pauvres. A ceux qui, incapables d’apporter des solutions à la marginalisation des jeunes issus de l’immigration, ont joué le jeu de l’extrême-droite. À ceux qui s’évertuent à appliquer l’austérité alors que les familles les plus riches continuent de s’enrichir malgré la crise. À ceux qui sont incapables de se remettre en cause et d’engager leur responsabilité dans l’attentat du 7 janvier. Ceux-là mêmes qui font le lit du fanatisme ne peuvent que proposer un front républicain pour la liberté d’expression. Ils parviennent ainsi, comme l’explique Saïd Bouamama, à unir ceux qui devraient être divisés, et à diviser ceux qui devraient être unis .

Plutôt que de faire défiler les opprimés derrière des criminels de guerre à Paris, il convient donc de substituer au choc des civilisations la lutte des classes. Un concept démodé ? Pas si l’on en croit le milliardaire Warren Buffet : « Il y a une lutte des classes. C’est ma classe, les riches, qui a déclaré cette guerre et qui est en train de la gagner. » Il est grand temps de lancer la contre-offensive contre les guerres économiques, les inégalités et les faux débats.

L’attaque de Charlie Hebdo a porté atteinte à nos valeurs démocratiques. Et c’est bien par plus de démocratie qu’il faut répondre au drame. Sans se tromper. Ce n’est pas démocratique de larguer des bombes, même sur une dictature. Ce n’est pas démocratique de stigmatiser des citoyens, même au nom de valeurs républicaines. La véritable démocratie appelle à une lutte collective, contre l’obscurantisme et contre le terreau qui l’a vu germer. Une lutte sur plusieurs fronts donc, qui nécessite prise de conscience et solidarité.

Al-Qaïda : terroriste en France, alliée en Syrie

Filed under: Contributions - apports — kel @ 19:28

Chères Charlie, chers Charlie,

Je partage votre indignation, votre colère et votre tristesse au lendemain de ces actes de guerre inhumains contre la Liberté, l’Égalité et la Fraternité – valeurs universelles qui nous unissent malgré nos différences. À l’heure où je finalise cet article, trois terroristes viennent d’être tués par les forces de l’ordre, après avoir imposé à la France une atmosphère de guerre civile en commettant des attentats d’une rare sauvagerie. Dans ce contexte de déstabilisation systémique, soyons unis, tolérants et solidaires. Mais ne laissons pas l’émotion neutraliser notre esprit critique ! (1)

En effet, au lendemain de ces crimes effroyables – sachant que nos gouvernants risquent d’alimenter ou de déclencher de nouvelles guerres « contre » le terrorisme –, (2) il est plus que jamais indispensable de rappeler plusieurs faits dérangeants sur la politique étrangère de la France en Syrie. Tout d’abord, prenez conscience que notre actuel ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a ouvertement soutenu en décembre 2012 le Front al-Nosra – c’est-à-dire la branche « syrienne » d’al-Qaïda. En effet, selon les informations du journal Le Monde, « la décision des États-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition [en Syrie]. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que “tous les Arabes étaient vent debout” contre la position américaine, “parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot”. “C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne”, a ajouté le ministre. » (3)

(…)

Lire la suite : http://www.dedefensa.org/article-al-qa_da_terroriste_en_france_alli_e_en_syrie_10_01_2015.html

26.11.2014

Afrique Média TV

Filed under: Contributions - apports,Résistance africaine — kel @ 17:11

 

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Afrique Media tv est une chaine d’information et Première chaîne de télévision panafricaine d’information multilingue: Afrique Média est le porte flambeau de l’Afrique qui monte et l’espace d’expression et de promotion des valeurs africaines par excellence. Visitez le site officiel :

 

17.11.2014

Les manipulations médiatiques sur les poilus lors de la commémoration de l’armistice

Filed under: Contributions - apports — kel @ 19:39

Le centenaire du déclenchement de la première guerre mondiale a donné une dimension particulière aux cérémonies de commémoration de l’armistice. L’inauguration d’un « Anneau de la mémoire » à Notre-Dame-de-Lorette par le président de la république a été une nouvelle occasion de justifier les interventions militaires françaises en Afrique et au Moyen-Orient. « Ce sont nos militaires qui se battent encore au Mali, qui évitent des massacres en Centrafrique ou nos aviateurs qui en Irak luttent contre le fanatisme » déclare François Hollande pour souligner que « la paix a besoin de militaires ». Les discours politiques et médiatiques à l’occasion de cette commémoration font apparaître au moins trois angles morts : le silence assourdissant sur les mutineries de soldats, le mutisme généralisé sur les conditions de recrutements des « tirailleurs » issus des colonies, l’absence de référence aux modalités d’utilisation de ces soldats coloniaux. Ces angles morts non exhaustifs sont au service d’une conclusion mensongère assénée en permanence : l’Europe c’est la paix.

Silence assourdissant sur les mutins et fusillés pour l’exemple

Il a beaucoup été question de « patriotisme » dans le discours de Hollande à l’occasion du 11 novembre (1). Il en appelle même à un « patriotisme social » c’est-à-dire à une « Union sacrée » qui unirait ceux que leurs intérêts économiques et sociaux opposent. Au cours de la première guerre mondiale certains vont refuser cette « Union sacrée » pour une guerre qui n’est pas la leur. Henri Barbusse a dès 1916 décrit le sentiment vécu par de nombreux poilus d’une guerre où certains meurent pour les profits d’autres :

« Après tout pourquoi fait-on la guerre ? Pourquoi, on n’en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire. On sera bien forcé de voir que si chaque nation apporte à l’idole de la guerre la chair fraîche de quinze cents jeunes gens à égorger chaque jour, c’est pour le plaisir de quelques meneurs qu’on pourrait compter ; que les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d’armées, pour qu’une caste galonnée d’or écrive ses noms de prince dans l’Histoire ; pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d’affaires […] Et on verra, dès qu’on ouvrira les yeux que les séparations qui se trouvent entre les hommes ne sont pas celles qu’on croit, et que celles qu’on croit ne sont pas (2). »

Les formes d’expression du refus plus ou moins affirmé de participer à la guerre sont multiples : automutilation, refus de montée en ligne, non-exécution des ordres, etc. Ils seront nombreux à être « fusillés pour l’exemple » après le passage devant une justice militaire sommaire. Les évaluations quantitatives du nombre de fusillés diffèrent. Elles varient de 500 à 800 soldats pour l’ensemble de la guerre (3) pour un total de 3500 condamnations pour refus de combattre. Au cours de l’année 1917 le refus de la guerre se fait collectif sous la forme de mutineries. On en dénombre 111 pour l’année 1917 conduisant à 1700 condamnations (4). Si les motivations des mutins sont multiples et hétérogènes, le refus de l’Union Sacrée est incontestable comme en témoigne les paroles de la chanson de Craonne écrites par un auteur anonyme :

Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront, Car c’est pour eux qu’on crève, Mais c’est bien fini, car les trouffions, Vont tous se mettre en grève, Ce s’ra vot’ tour messieurs les gros, D’monter sur le plateau, Et si vous voulez faire la guerre, Payez-la de votre peau (5)

Jusqu’à aujourd’hui la réhabilitation collective des fusillés et mutins est une revendication d’un collectif d’associations regroupant la Libre pensée,l’Union pacifiste, la Ligue des droits de l’homme et l’Association républicaine des anciens combattants. Pour ne pas avoir à réhabiliter ces victimes d’une guerre impérialiste, François Hollande a demandé le 7 novembre 2013, qu’un espace soit consacré aux Invalides aux 639 soldats fusillés pour désertion au cours de la guerre. Cette esquive tente de calmer les revendications de réhabilitation tout en maintenant un silence sur le caractère impérialiste de la guerre. Les médias contribuent par leur silence à cette esquive idéologique consistant à classer une question sans la traiter réellement.

Mutisme généralisé sur le « recrutement » des soldats coloniaux

Les soldats coloniaux ont été en revanche présents dans le discours commémoratif du président. Le monument de Notre-Dame-de-Lorette comprend des noms de soldats issus d’une quarantaine de pays dont ceux issus des anciennes colonies. Le 7 novembre 2013, lors du lancement des commémorations officielles du centenaire de la Grande Guerre, le président de la république déclare :

« Comment ne pas saluer les 430 000 soldats venant de toutes les colonies, de l’Afrique à l’Asie du Sud-Est et qui ont pris part à une guerre qui aurait pu ne pas être la leur. Ils y ont participé pour la France, et cet engagement fut ensuite au cœur de leur légitime exigence d’émancipation et d’indépendance. La France a souscrit une dette d’honneur à l’égard de leurs descendants qu’ils soient en Afrique, en Asie ou qu’ils soient aujourd’hui citoyens français. Cette dette d’honneur, nous l’honorons, en ce moment-même au Mali, pour lutter contre le terrorisme et préserver, à notre tour, l’intégrité d’un pays démocratique (6). »

Associer la mémoire des soldats coloniaux à une intervention militaire néocoloniale révèle une logique de pensée qui n’a en rien rompu avec le mépris des indigènes qui a marqué toute l’époque coloniale et tout l’empire colonial français. Présenter l’enrôlement des indigènes comme un « engagement » est tout simplement un mensonge. Rappelons également que le mépris colonial a été présent jusqu’au traitement des « fusillés pour l’exemple » pendant la guerre. Le général Foch ordonne l’exécution de 10 % de l’effectif d’une compagnie de tirailleurs coloniaux dans les termes suivants :

« Les ordres portent qu’il soit tiré au sort un tirailleur sur dix de la compagnie qui a refusé de marcher, sans préjudice des instigateurs de ce refus d’obéissance s’ils venaient par la suite à être connus. Que les tirailleurs désignés par le sort soient promenés devant le front avec un écriteau en français et en arabe portant le mot « lâche », qu’ils soient fusillés aussitôt après (7). »

Il est vrai que la sanction collective faisait alors partie du code de l’indigénat. Ces soldats fusillés se sont-ils réellement engagés et dans quelles conditions ? Il n’est pas inutile de rappeler les conditions d’enrôlement des indigènes dans l’armée à l’époque.

Avant l’imposition de la conscription en 1912 les soldats coloniaux sont uniquement des « engagés volontaires ». Les premiers « volontaires » sont des esclaves rachetés par l’armée. L’abrogation de l’esclavage « provoqua aussitôt une crise du recrutement. Trois ans après 1848, seuls trois candidats s’étaient portés volontaires ; or il fallait au moins deux cent hommes pour assurer la garnison (8) ». Cet exemple du Sénégal se retrouve dans les autres colonies d’Afrique subsaharienne. C’est donc la difficulté à recruter des « volontaires » qui aboutit à la décision d’imposer la conscription.

La France, souligne l’historien canadien Myron J. Echenberg est « la seule puissance à imposer la conscription universelle des hommes aussi bien en période de paix qu’en temps de guerre, et ce, sur presque un demi-siècle, soit de 1912 à 1960 »(9). Voyons comment se réalisent ces « recrutements » en commençant par l’Afrique subsaharienne et en donnant la parole au comité scientifique international de l’UNESCO :

« Après l’ouverture des hostilités, alors que l’Afrique occidentale comptait à elle seule 14785 soldats africains, il fut décidé d’en recruter 50 000 autres au cours de la période 1915-1916. C’est alors que commença en Afrique française ce que le gouverneur Angoulvant a appelé « une véritable chasse à l’homme » et que Jide Osuntokun a récemment qualifié de nouvelle traite des noirs. Ayant à fournir un certain contingent de recrues, les chefs s’emparaient d’étrangers et d’anciens esclaves pour éviter d’enrôler leurs enfants ou leurs parents. Les naissances n’étant pas enregistrées, nombreuses furent les recrues qui avaient dépassé ou n’avaient pas encore atteint l’âge de porter les armes. Mais comme nous le verrons, la campagne de recrutement provoqua d’importantes révoltes, et il fut impossible de lever des troupes dans les régions en rébellion (10). »

Les révoltes contre la conscription sont fréquentes. A l’issue de l’une d’elle au Mali, le gouverneur François Clozel est contraint de constater « l’hostilité incoercible, absolue, définitive des populations au recrutement (11) ». La situation n’est pas meilleure en Afrique du Nord. Voici un témoignage de révolte contre la conscription dans la région de Mascara en Algérie :

« La population de Sidi Daho se révolte le 21 septembre 1914 et refuse que les quarante enfants recensés pour le service militaire partent. Les notables furent arrêtés et les jeunes emmenés de force à la caserne, sans l’examen médical préalable et sans le tirage au sort prévu. L’armée française occupa la région, installa canons et mitrailleuses. Certains détenus ne seront libérés qu’à la fin de la première guerre mondiale en novembre 1918, d’autres envoyés à Cayenne dont un seul reviendra après la deuxième guerre mondiale (12). »

En Asie la situation est similaire. Le futur président Ho Chi Minh donne dans ses textes de l’époque de nombreux exemples. Citons-en un :

« Si les Annamites étaient tellement enchantés d’être soldats, pourquoi les uns étaient-ils enchaînés, tandis que d’autres étaient, en attendant l’embarquement, enfermés dans un collège de Saïgon, sous l’œil des sentinelles françaises, baïonnettes au canon, fusils chargés ? Les manifestations sanglantes du Cambodge, les émeutes de Saïgon, de Bien Hoa et d’ailleurs, étaient-elles donc les manifestations de cet empressement à s’engager « en foule » et « sans hésitation » ? (13) »

Economiser le sang blanc en sacrifiant le sang noir

Les discours militaires et politiques de l’époque sur les soldats coloniaux laissent apparaître un argumentaire essentialiste. La période est riche en projets militaires : Le député Adolphe Messimy défend le projet d’une armée arabe en 1908, Le colonel Charles Mangin en appelle à la création d’une « force noire » en 1909 et le général Pennequin défend l’idée d’une « force jaune » en 1912. Le colonel Mangin publie son livre La force noire en 1910 pour argumenter son projet. L’Arabe étant considéré « comme le plus ingouvernable de tous les peuples », il en appelle aux « qualités des noirs », à savoir « la rusticité, l’endurance, la ténacité, l’instinct de combat, l’absence de nervosité, et une incomparable puissance de choc ». Compte-tenu de ces « qualités » quasi-animales, il est attendu « que l’arrivée sur le champ de bataille produira sur l’adversaire un effet moral considérable (14) ». Dans la même logique essentialiste, Mangin classe les noirs en « races guerrières » que sont selon lui les Mandingues, les Bambaras et les Wolofs et « races non guerrières » qui regroupent les nomades de l’Ouest africain.

Logiquement, il en appelle à une utilisation massive des noirs dans la guerre. La guerre sera une « guerre d’effectifs » pense-t-il, et la mobilisation des noirs doit permettre d’économiser des vies blanches. Jusqu’en 1917 les idées de Mangin influenceront le commandement général. Devenu entretemps général de brigade en 1914, Mangin est affecté à l’état-major. Ses idées et conceptions influencent fortement le très influent général Nivelle. La pression pour un recrutement massif de noirs sur la base de cette logique raciste est tellement forte que des administrateurs coloniaux s’inquiètent des conséquences économiques possibles. Jules Cardes, Conseiller du Gouverneur Général de l’AOF, et Maurice Delafosse, directeur des Affaires indigènes et musulmanes, s’adressent au ministre Maginot :

« Ne peut-on rappeler que, malgré de sanglants avertissements, le commandement a voulu persister dans la guerre d’effectifs ? N’est-ce pas lui qui, pour apaiser l’opinion publique dont le sûr instinct allait voir juste, laissa entendre que cette guerre d’effectifs sera alimentée par de la chair noire au lieu de l’être par de la chair blanche ? [ …] Cet empire africain qui est pauvre en hommes est riche en produits ; laissez-lui sa misérable population pour le ravitaillement pendant la guerre et l’après-guerre (15). »

Cette réaction d’administrateurs coloniaux devant les difficultés et les conséquences du recrutement forcé n’est pas isolée. D’autres administrateurs soulignent les conséquences en termes de révoltes des indigènes. Cela conduit le ministre des colonies à suspendre les recrutements forcés et à n’utiliser que le recrutement volontaire. Le thème de l’économie de la chair ou du sang blanc apparaît jusque dans les directives. Le général Nivelle ordonne ainsi le 21 janvier 1917 :

« Il faut y aller par tous les moyens et ne pas ménager le sang noir pour conserver un peu de blanc (16). » Cette position n’est pas isolé, il y revient en février en demandant au ministre de la guerre que « le nombre d’unités noires mises à ma disposition soit aussi élevé que possible (tant) pour donner de la puissance à notre effectif (que pour permettre d’épargner dans la mesure du possible du sang français) (17) ».

C’est cette logique qui conduit à utiliser les troupes coloniales dans certaines missions spécifiques. Ainsi au chemin des dames dans l’Aisne, ils sont utilisés pour « enfoncer les lignes ennemies ». Il y a en fait une théorisation essentialiste de la tactique militaire. Le haut commandement considère les soldats coloniaux comme des « troupes de choc » efficaces pour percer le front. Dans ce contexte il n’est pas étonnant que les soldats noirs et maghrébins aient payés un lourd tribut aux combats du chemin des dames. Ils seront parmi les premiers gazés.

« Du 16 au 30 avril 1917, fait remarquer François Roux, 8000 tirailleurs africains sont massacrés dans l’Aisne, au Chemin des Dames, afin de « tester la qualité des positions ennemies (18) ».

Bien sûr, les soldats coloniaux n’ont pas été plus que d’autres une « chair à canon » au cours de la première guerre mondiale, mais cela révèle simplement que tous les soldats ont été considérés comme chair à canon au cours de cette guerre impérialiste. En revanche, il y a bien eu une perception essentialiste du soldat colonial conduisant à une tactique militaire discriminatoire.

Les trois angles morts que nous abordons ici rapidement ne sont pas les seuls. Ils ne sont pas seulement le fait de l’ignorance des journalistes ou des politiques. Ils contribuent à construire le roman d’une Europe qui aurait apporté la paix. Les horreurs de la guerre d’hier ne sont pas référées à des causes économiques et politiques, mais apparaissent comme le résultat de la division des nations européennes, que l’union actuelle a fait disparaître. Pour cela il convient d’homogénéiser les points de vue et les attitudes des participants au massacre impérialiste : plus de réfractaire à la guerre en 1914-1918, plus de recrutement forcé dans les colonies et plus d’utilisation raciste des soldats coloniaux. Quant à l’idée de l’Europe porteuse de paix elle montre une confusion entre la fin de la guerre sur le continent européen et la fin des guerres menés par les européens. En Irak, en Afghanistan, au Mali, en Centrafrique, en Côte d’Ivoire et malheureusement dans de nombreux autres pays, les peuples savent que l’Europe reste instigatrice ou actrice de guerre pour les richesses pétrolières, gazières et minières.

Notes :

1 François Hollande, dépêche AFP du 11-11-2014.

2 André Loez, 14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins, Gallimard, Paris, 2010.

3 Frédéric Durdon et Pierryk Hervé, Les fusillés de la Grande Guerre, CNDP, Paris, 2011, p. 6.

4 André Loez, 14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins, Gallimard, Paris, 2010.

5 La Chanson de Craonne est d’auteur inconnu. Elle sera interdite jusqu’en 1974 et un million de franc-or fut promis à qui dénoncerait son auteur.

6 François Hollande, discours du 7 novembre 2013, http://www.elysee.fr/declarations/a…

7 Cité in Jean-Claude Flament, 14-18 étions-nous bien défendu ?, Société des écrivains, Paris, 2014, p. 26.

8 Myron J. Echenberg, Les tirailleurs sénégalais en Afrique occidentale française, 1857-1960, Karthala, Paris, 2009, p. 33.

9 Ibid, p. 25.

10 – Michael Crowder, La première guerre mondiale et ses conséquences, in Adu Bohaen (coord.), Histoire générale de l’Afrique, tome 7, éditions de l’UNESCO, Paris, 1987, p. 319.

11 François Clozel, cité in Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre : l’appel à l’Afrique : 1914-1918, Karthala, Paris, 2014, p. 39

12 Moutassem-Mimouni Badra, Passion d’Algérie. Chroniques de tourments et d’obsessions, Karthala, Paris, 2006, pp. 43-45.

13 Ho Chi Min, Le procès de la colonisation française, in Ho Chi Min, Action et Révolution, 10-18, Paris, 1968, p. 44.

14 Charles Mangin, La force noire, Hachette, Paris, 1910, p. 343.

15 Jules Cardes et Maurice Delafosse, Rapport du gouverneur général au ministre Maginot, cité in Marc Michel, op.cit., p. 62.

16 Cité in François Roux, La Grande Guerre inconnue : les poilus contre l’armée française, Les Editions de Paris-Max Chaleil, Paris, 2006, p. 42.

17 Cité dans Bastien Dez, « Dans la guerre des Toubabs ». Les tirailleurs « sénégalais » en 1917, Mémoire de recherche, Paris IV-Sorbonne, 2007, p. 13.

18 François Roux, La Grande Guerre inconnue : les poilus contre l’armée française, op.cit., p. 42.

Voir aussi

« On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels » :

 

 

16.9.2014

« Qui aura l’Afrique dominera le monde »

Filed under: Contributions - apports — kel @ 13:34

1.6.2014

Une lettre ouverte camerounaise à la France qui résume la position de la nouvelle génération panafricaine qui veut en découdre avec la vieille France coloniale

Lettre ouverte à l’Ambassadeur de France au Cameroun, Madame Christine Robichon
Le Cameroun ne tombera pas dans les manœuvres françaises !
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Paul Biya et Christine Robichon

Madame,

L’objet de cette lettre est de vous demander de cesser de vous mêler des affaires intérieures du Cameroun.
Depuis votre arrivée au  Cameroun en Décembre 2013, les Camerounais  vous observent, suivent et scrutent vos faits et gestes et  essaient de les mettre en perspective par  rapport  à la politique de votre pays  au Cameroun.
Votre activisme, en quelques cinq mois de séjour au Cameroun confirment les analyses que nous avons faites voici trois mois.

Vous êtes chargée d’une mission spécifique et spéciale dans notre pays. Vos multiples déplacements, à travers le territoire national, qui ne sont que de simples opérations  de relations publiques, constituent le dernier fond de commerce d’un  vieux logiciel diplomatique  qu’utilise vos autorités pour masquer le rejet et le sentiment  profondément anti-français que les Africains en général, et les Camerounais en particulier éprouvent vis-à-vis de l’Impérialisme  de votre pays sur le Continent noir.

Mr  Gain  Bruno votre prédécesseur l’a utilisé durant son inutile séjour au Cameroun et cela n’a rien donné. Ce  nouveau mode de coopération, reste la dernière trouvaille  de  la France dans ses relations avec les Etats africains. Et pour cause, elle n’a plus rien à leur offrir (si elle en eut avant). La France, contrairement aux faux airs de suffisance et à son arrogance habituelle, est embourbée dans une interminable crise multidimensionnelle aggravée  il ya quelques mois par l’adoption de l’homosexualité comme nouveau mode de procréation et de renouvellement de sa population plus vieillissante que jamais.

Une  France empêtrée, pataugeant dans  d’inextricables et d’insolubles problèmes sociaux (chômage, pauvreté suicides…etc.), que vous continuez de  miroiter aux Camerounais, comme un horizon incontournable  en matière de développement et de progrès.

Vos sorties médiatiques et vos déclarations tantôt sur « les prisonniers politiques français » qui seraient  détenus au Cameroun(alors qu’ils ne sont que de simples délinquants  économiques et financiers et Camerounais au moment de leurs forfaits), tantôt sur le non respect des homosexuels sous les termes de Droits humains, tantôt sur la gouvernance et la corruption, cinq mois à peine  après votre arrivée au Cameroun, ont fait tomber les masques. Le peuple  camerounais sait  déjà quel type de Diplomate vous êtes.

Madame, sachez que les relations diplomatiques et consulaires sont codifiées, encadrées et régies par les Conventions signées  à Vienne  respectivement en 1961 et en 1963. La France doit retenir une fois pour  toutes  que nous sommes en 2014 et non en février 1944, l’année où le général  de Gaulle et son Ministre des colonies René Pleven, mettaient en place à Brazzaville (la triste et funeste Conférence Africaine Française de Brazzaville), l’architecture et les Instruments de  la domination de la France en Afrique. C’était il ya 70 ans.

Vos déclarations à l’emporte-pièce dans  certains  medias  camerounais, dont vous tentez d’orienter les lignes éditoriales en accordant de petits per diem au cours des stages de quelques jours et d’autres broutilles aux Directeurs de Publication n’aboutiront à rien. Sans prendre le parti du gouvernement camerounais, nous savons néanmoins que les agents de votre gouvernement ont remis de l’argent à certains medias locaux pour peindre négativement notre pays dans l’affaire Edzoa-Atangana.

Le peuple camerounais, en dépit des difficultés et des frustrations  accumulées, n’ignore plus où se trouve  son véritable ennemi. Arrêtez de parcourir les quartiers populaires de Douala  à  la recherche des mécontents comme vous le faites depuis votre arrivée au Cameroun. Vous recherchez une «  étincelle sociale » pour allumer les troubles comme votre  pays  a pris coutume de le faire dans de nombreux pays africains (Côte d’Ivoire, Libye, Niger, Mali, RCA,…). Nos problèmes internes sont les nôtres.

Les  Camerounais savent que  leur « ennemi  Central » c’est la France et ses réseaux. Une «  Diplomatie de bruit », tel est votre créneau. C’est ce comportement inattendu d’un diplomate qui a exaspéré les Autorités  béninoises et poussé le Président  Yayi Boni  en 2013  à expulser du Bénin l’Ambassadeur de France  en lui donnant quelques jours pour quitter son Pays. Ayez l’intelligence ou au moins la décence d’éviter d’invoquer les « Relations  Historiques » entre le Cameroun et la France  car vos propos ravivent la douleur 400.000 morts camerounais, victimes du génocide commis par la France dans l’Ouest du pays et dans la Sanaga-Maritime.

Et même du point de vue des traités notre pays n’a jamais été une colonie française en tant que telle. C’est au travers de la Société des Nations (SDN) en 1919, puis de l’ONU en 1945 que votre pays, affaibli  et ruiné par les guerres, est entré au Cameroun. Il y est donc par effraction, non par humanisme ou philanthropie, pour piller et exploiter ses richesses minières, naturelles et énergétiques. C’est cette politique de pillage  , d’extermination et de massacres de nos Nationalistes que vos « Historiens coloniaux » ont étiqueté de maquisards qui vous rattrape aujourd’hui dans toutes les régions du Continent africain, notamment au Rwanda.

Madame l’Ambassadeur, en parcourant les deux plus grandes villes du Cameroun (Douala et Yaoundé), donc de la sous-région Afrique centrale, quel est  le signe ou le symbole visible de la coopération entre «  votre grande et puissante France » et le  Cameroun ? Il n’y en a pas, faute de moyens. Cessez donc de chanter et  de citer la coopération entre la France et le Cameroun comme un exemple. Déboucher ou curer les caniveaux de certaines rues à Yaoundé ou à Douala, boucher les nids de poules ou replâtrer les  trottoirs  d’une route à Garoua financés par des fonds prélevés sur nos devises déposées autoritairement dans le Compte d’Opération au  Trésor français tient-il lieu de coopération ? Arrêtez  ce cirque; il est de mauvais goût et même  indigeste.

Depuis la destruction et l’occupation de la Côte d’Ivoire et l’assassinat du Président Kadhafi par Sarkozy et ses agents, « les Forces Profondes » à l’œuvre au sein de la Société Civile camerounaise ne  demandent qu’une seule chose : la France et  les Français doivent quitter l’Afrique. « French go home », telle est la lame de fond qui traverse les sociétés africaines. L’histoire moderne de notre pays a enregistré que l’Autoroute reliant les deux plus grandes métropoles  de l’Afrique centrale (Douala et Yaoundé),  sera l’œuvre de la Chine et non celle de la France. Un événement historique qui vient  tourner les sombres pages des relations entre le Cameroun et la France. Le mépris et l’arrogance  sur lesquels vous avez bâti « votre politique de coopération » en Afrique ont montré leurs limites. Dès lors, la confrontation  entre  les peuples africains et  une France plus impériale  que jamais, bien que décadente, paraît inévitable; l’on s’y prépare déjà. C’est la tâche que s’assigne notre génération.

Madame l’Ambassadeur, c’est l’occasion de vous rappeler que le 04 février 2014 vous vous êtes rendue à Douala dans la région du Littoral pour  parler de « la gouvernance, des élections, de la corruption, de la démocratie et des fraudes de toutes sortes au Cameroun. Etes-vous qualifiée pour  débattre de tels sujets dans notre pays ? Quand on sait que toute la classe politique  française (toutes formations politiques confondues) est cernée et rongée par les affaires de corruption, de détournements  de deniers publics et de mafia  à grande échelle. Voilà dont  une France où des Membres du gouvernement aux  anciens Présidents de la République sont quotidiennement interpellés devant les tribunaux  pour népotisme, emplois fictifs et qui prétend donner des leçons aux Africains. C’est le monde à l’envers.

Vous savez que sous d’autres cieux, les Chefs de Mission diplomatique, pour des raisons évidentes, se font très discrets dans leurs déplacements avec des véhicules banalisés. Mais au Cameroun comme en territoire conquis, vous vous  baladez  dans  les quartiers populaires  de Douala : New-Bell, Bali, Quartier Congo comme un Sous-préfet qui rend visite à ses Administrés. Retenez que le Cameroun n’est pas une Préfecture  de la France et Douala non plus une Sous-préfecture. Vous vous permettez de pénétrer dans ces quartiers  populaires, à bord de votre  voiture arborant le fanion du drapeau français comme au bon vieux temps de la Coloniale. Arrêtez  d’irriter et de provoquer  le peuple camerounais.

Après votre rencontre avec les « religieux », puis avec les homosexuels, c’est sans doute le tour des motos taximen et dans un proche avenir vous irez à la rencontre  des « prisonniers  franco-camerounais détenus arbitrairement  dans les geôles camerounaises » et dont la France estime être investie d’une mission universelle pour leur libération. Vous êtes à la recherche des foyers de mécontentement  dans  quartiers populaires  afin d’allumer et d’alimenter  la contestation sociopolitique et de faire appel  à vos « Humanitaires » qui arriveront avec des armes cachées dans des cartons de riz et de blé génétiquement modifié(OGM), secourir «  les populations en danger ». C’est le scénario et le schéma classiques des foyers de tensions que votre pays  a allumés à travers  l’Afrique.

Si votre objectif ultime est de contrôler la transition au Cameroun pour installer au pouvoir un de vos agents, le peuple camerounais a un message pour votre gouvernement : vous échouerez, contrairement aux relatifs succès que vous avez obtenus dans d’autres pays. Le peuple camerounais est averti et éveillé.

Aux organes de presse locaux, nous disons  qu’il est  regrettable  que les Directeurs de ces publications, jusqu’à ces jours refusent de comprendre le jeu macabre que  la France joue dans notre Pays. En effet, comment comprendre que  Mr Alain Njipou du Journal le Messager ait pu titrer  le 05 février 2014 « Cameroun-Coopération : J.M  Nintcheu montre les vrais visages du Cameroun à la France ». Les journaux   camerounais  devraient plutôt se poser la question suivante : d’où la France prend- t- elle  les milliards qu’elle prétend déverser au  Cameroun  alors qu’elle-même se trouve au bord du gouffre économique et financier ? Pendant ce temps, les bouches du métro de Paris  sont envahies par des Sans Domiciles Fixes (SDF) et qui sont  nourris  aux  soupes populaires. Les Camerounais doivent le savoir.

En 15 avril dernier, vous vous êtes rendue au Siège  social des homosexuels en Afrique centrale à Douala, et qui se fait appeler « Réseau de Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale(REDHAC) », où vous attendait Alice Nkom de sinistre image. Cette Mémé, qui est entrée dans les lugubres annales de notre pays comme une sataniste en rendra des comptes  devant l’impitoyable tribunal de l’histoire.   Quelques jours après, vous  vous êtes retrouvée dans la partie nord du Cameroun. Si vous  n’avez rien à faire dans votre Mission diplomatique, organisez des promenades dans cette immense propriété de plusieurs centaines d’hectares, que l’Administration  coloniale française a arrachée aux  autochtones de Yaoundé, pour  en bâtir un véritable Etat en plein cœur de la Capitale camerounaise que vous appelez abusivement  Ambassade. Le peuple camerounais le sait.

Aux Camerounais qui rêvent ou qui pensent que le salut leur viendra de la France, nous leur demandons de bien regarder  et d’analyser la situation des Etats africains qui, au nom des droits de l’homme ont été déstabilisés par la France. Le sillage de la France en Afrique  c’est  du Sang, des Pillages, la désolation et  la  misère. Visitez la Côte d’Ivoire. Vous  identifierez aisément  des symboles  encore  fumants de «  la coopération française en Afrique ». Même si  les Camerounais, comme dans tous les pays du monde, ont des problèmes  au plan interne, qu’ils évitent de faire appel à  la Communauté dite « Internationale » dont la France s’est autoproclamée le porte-parole. Attention ! Les charognards  et autres mercenaires sont à l’affût  pour leurs intérêts exclusifs. Alors Vigilance.

Veuillez prendre en considération   Madame, l’Expression et le  profond  Sentiment d’une  Société  camerounaise  qui a décidé de se libérer du joug et l’encombrante tutelle d’une France toujours arrogante malgré son irréversible décadence.


Armand Roger Biloa Mballe
, pour Le Sphinx Hebdo

www.docteuralovor.fr

N’OUBLIEZ PAS DE REJOINDRE EN LIGNE LE VASTE MOUVEMENT DES AFRICAIN-FRANÇAIS MAF AU: https://ticketlib.com/le-maf

« AGISSEZ LES UNS POUR LES AUTRES
ŒUVREZ POUR CELUI QUI VOUS A PRÉCÉDÉ
DANS L’ESPOIR QU’UN SUCCESSEUR
POURSUIVE CE QUE VOUS AVEZ ACCOMPLI.  »

ENSEIGNEMENT DE MERIKARÊ (2000 ANS AVANT NOTRE ÈRE).

François Théodore DENGOUE, fondateur de L’AFRICAN ADVICE REPORT, Démonte le Dossier des Biens Mal Acquis

Le combat évolue certes lentement mais surement. Comme le disait le Professeur Cheikh Anta Diop, « si réellement l’égalité intellectuelle est tangible, l’Afrique devrait, sur des termes controversés, être capable d’accéder à la vérité par sa propre investigation intellectuelle, se maintenir à cette vérité jusqu’à ce que l’humanité sache, que l’Afrique ne sera plus frustrée, que les idéologues perdront leur temps, parce que ils ont rencontré des intelligences égales qui peuvent leur tenir tête sur le plan de la recherche de la vérité »

http://www.dailymotion.com/video/xx4i1a_francois-theodore-dengoue-fondateur-de-l-african-advice-report-demonte-le-dossier-des-biens-mal-acqu_news

24.12.2013

Centrafrique : les raisons cachées de l’intervention française

Filed under: Contributions - apports — kel @ 16:07

Source :

 http://www.michelcollon.info/Centrafrique-les-raisons-cachees.html?lang=fr

Centrafrique : les raisons cachées de l’intervention française
Olivier Ndenkop

14 décembre 2013

Contrairement à l’« impératif humanitaire » agité par le président François Hollande, l’ « Opération Sanguiris » menée par 1 200 soldats français vise à contrer l’arrivée des Chinois et surtout à contrôler les réserves d’or, de diamant et d’uranium présentes dans le sous sol de la Centrafrique. Un pays plus grand que la France et Belgique réunies et où Areva, Total, Bolloré, France Télécom… dictent déjà la loi, malgré les atrocités.

Après la Côte-d’Ivoire de Laurent Gbagbo, la Libye de Kadhafi et le Mali en Afrique de l’Ouest (Opération Serval), la France a décidé le 3 décembre dernier d’intervenir militairement en République centrafricaine (RCA), un pays situé justement au centre de l’Afrique. François Hollande et ses officiers ont attribué le nom d’un papillon aux ailes rouge sang à cette opération militaire : le « Sanguiris ». Cette « Opération Sanguiris » est entrée dans sa phase opérationnelle le 8 décembre, date à laquelle 800 soldats sortis des casernes hexagonales 72 heures avant, ont rejoint leurs collègues à Bangui, capitale de la RCA. Ce ralliement porte à 1 600 le nombre de militaires français dans ce pays étendu sur 622 980 km2 et peuplé de cinq millions d’âmes damnées par un demi-siècle de guerre et de misère tous azimuts. Avant l’ « Opération Sanguiris », l’armée française disposait déjà des troupes suréquipées en Centrafrique. Elles sont stationnées à l’aéroport de Bangui-Mpoko

Officiellement, l’ « Opération Sanguiris » est la réponse à une « situation catastrophique ». Une réaction « humanitaire », pour sauver « un peuple qui souffre et nous appelle », a déclaré François Hollande le 6 décembre lors du Sommet Afrique-France qui se tenait à l’Elysée. « Les Français doivent être fiers d’intervenir quelque part sans intérêts », a ajouté le « socialiste  » Hollande. Le même jour et au même endroit, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), s’était joint au président français au grand cœur pour saluer la décision ainsi prise par le successeur de Nicolas Sarkozy. Ban Ki Moon avait personnellement fait le déplacement de Paris pour participer à la grand’messe françafricaine organisée et présidée par M. Hollande avec pour thème officiel : « Paix et sécurité en Afrique ». Avant Ban Ki Moon, d’autres fonctionnaires de l’ONU comme Navi Pillay et Jan Eliasson avaient, à tour de rôle, agité le spectre d’un « conflit ethnique et religieux » qui « paralyse la Centrafrique  ». Finalement, l’ONU a voté la résolution 2127 qui autorise une intervention militaire africaine avec l’appui des forces françaises. Quelle suite logique !

 La France n’a pas d’intérêts en République centrafricaine : Vrai ou faux ?

Ce serait un non sens que la France qui n’a pas une longue tradition de philanthropie intervienne en Centrafrique tout simplement pour « sauver un peuple qui souffre et nous appelle  ». D’autant plus que les souffrances des Centrafricains ne datent pas de 2013 ! Ce peuple souffre depuis 1960 des turpitudes de ses six présidents successifs : David Dacko, Bokassa Ier, André Kolingba, Ange F. Patassé, François Bozizé, Michel Djotodia. Tous sont arrivés au pouvoir après un coup d’Etat. Et la main de la France, puissance colonisatrice a toujours été perçue ou annoncée derrière ces différents putschs.

La France a des intérêts en Centrafrique. Aujourd’hui, elle contrôle l’économie centrafricaine ou ce qui en tient lieu. Bolloré y a la main mise sur la logistique et le transport fluvial. Castel règne en maître dans le marché de la boisson et du sucre. CFAO y contrôle le commerce des voitures. Depuis 2007, France Telecom est entrée dans la danse. AREVA est présente en RCA même si, officiellement, le géant du nucléaire n’est encore qu’à la phase de l’exploration. Total y renforce son hégémonie dans le stockage et la commercialisation du pétrole, mais doit composer avec Tradex, une société camerounaise spécialisée dans le trading des produits pétroliers. Depuis l’arrivée de Michel Djotodia au pouvoir en mars 2013, un ballet d’hommes d’affaires et de lobbyistes français s’observe à Bangui. Jean-Christophe Mitterrand, Richard Attias, Claude Guéant, Laurent Foucher… s’illustrent par un activisme affairiste en Centrafrique, révèle régulièrement la presse. Et ce n’est pas nouveau.

Lorsque la France installe un nouveau chef à la tête de la Centrafrique, de nouveaux liens d’affaires naissent et se consolident en violation des lois et parfois de l’éthique. Au tournant de la décennie 70 par exemple, une scabreuse affaire, révélée par un journal français, Le Canard enchaîné a présenté aux yeux du monde le type de relations qui existe entre certains présidents français et ces nouveaux dictateurs qu’ils placent à la tête des néo-colonies.

En effet, lâché par la France à qui il avait abandonné l’exploitation de son pays sans se soucier des intérêts de la population, Bokassa Ier (il s’est fait introniser comme empereur pendant son mandat) avait révélé les plaquettes de diamant qu’il offrait en cadeau à son homologue français. Le 10 octobre 1979, l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné porta cette « Affaire » sur la place publique. La classe politique s’en était saisie. L’affaire porta un sérieux coup à la carrière politique du président. Eclaboussé, Giscard d’Estaing fut battu aux élections de 1981 par le « socialiste » François Mitterrand…Autant dire que ce n’est pas en Centrafrique que la France ira faire des leçons de morale !

A la recherche du paradis perdu

Derrière ses multiples « Opérations » guerrières, la France tente bon an mal an de reprendre ses positions économiques en Afrique. Le 4 décembre, alors que les troupes françaises prenaient la direction de Bangui, Pierre Moscovici présidait un forum économique franco-africain à Bercy. Le ministère français de l’Economie avait réuni 560 entrepreneurs français et africains, des ministres et des chefs d’Etat pour tenter de sauver la place de la France en Afrique. Séance tenante, Hubert Védrine, ancien ministre français des relations extérieures, a donné une sorte de bouée de sauvetage au ministre Moscovici à la recherche des quatre points cardinaux ! Il s’agit d’un rapport intitulé : Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France. Dès le premier point, le Rapport Védrine propose de réviser « la politique française de visas économiques afin de faciliter la circulation des acteurs économiques entre la France et l’Afrique ». Ce qui est déjà une véritable révolution. Jusqu’ici, les entrepreneurs africains qui sollicitaient un visa pour la France étaient soumis aux mêmes conditions draconiennes qu’un adolescent désireux d’aller poursuivre ses études en Hexagone. Comme si un Africain capitaine d’industries prospères dans son pays représentait un risque migratoire pour l’Europe ! Les temps ont changé. Et pour « renforcer l’influence de la France en Afrique » (15ème proposition du Rapport Védrine), les autorités françaises font donc des concessions. Comment pouvait-il en être autrement ? « En dix ans, la France a perdu la moitié de ses parts de marché en Afrique subsaharienne », a reconnu Pierre Moscovici.

Face aux 26 chefs d’Etat qui ont pris part au Sommet de l’Elysée, le président français a multiplié les opérations de charme. Il a annoncé la mise en place d’un fonds d’investissement de 20 milliards. L’hôte des présidents africains a aussi pris l’engagement d’affecter un milliard d’euros à l’Agence française de développement (AFD) pour le soutien du Green business, de l’innovation et des nouvelles technologies en faveur de l’Afrique. En s’inscrivant dans la logique de son ministre des Finances qui a enfin avoué que « l’Afrique est une chance pour la France », M. Hollande veut ainsi reconquérir le cœur des Africains aujourd’hui plus attentifs vis-à-vis de Pékin et de New Delhi. Last but not least, le président français a annoncé la création d’une fondation franco-africaine au sein de laquelle les investisseurs privés français et africains joindront leurs ressources pour plus de valeur ajoutée. Il a fallu trois siècles pour que la France y songe !

La Chine, vraie menace pour l’Elysée

L’Empire du Milieu est inévitablement cité dans le Rapport Védrine comme le principal responsable du recul de la France dans les échanges avec l’Afrique. Ce qui est vrai. En République centrafricaine, la Chine a fait une entrée fracassante dans le secteur du pétrole. Au grand dam de Paris et de son relais néocolonialiste dans la sous région : Idriss Deby.

En effet, arrivé au pouvoir par coup d’Etat en 2003 avec l’aide manifeste de Paris et de N’Djamena, François Bozizé qui a eu le temps de se faire élire en 2005 n’a pas résisté aux propositions de la Chine qui multiplie les aides, accroît ses investissements sur le continent avec moins de conditionnalités. Ce qui tranche avec l’arrogance et le paternalisme des « partenaires traditionnels » de l’Afrique.

« J’ai été renversé à cause du pétrole »

Les résultats de ce rapprochement avec l’Empire du Milieu ne se sont pas fait attendre. En 2008, la Chine a accordé à la RCA des aides et un prêt pour un montant global de 3,25 milliards de francs CFA soit 4,4 millions d’euros. L’enveloppe a permis de construire des écoles et hôpitaux dans cet océan de précarité qu’est la Centrafrique. Quelques mois après, le président Bozizé s’est rendu en Asie où il a été reçu le 10 septembre 2009 au Palais du peuple par Hu Jintao, alors président de la République populaire de Chine. Ce qui ne saurait rassurer ni Paris, ni N’Djamena. D’autant plus que tout ne s’est pas limité à la poignée de main entre le président centrafricain et son homologue chinois.

Dans les faits, le rapprochement entre Bozizé et Hu Jintao a permis à la Compagnie chinoise CNPC de reprendre le permis de recherche, développement et exploitation du pétrole de Boromata, dans le Nord-est de la Centrafrique. Il n’est pas inutile de rappeler que pour ce gisement, Ange Félix Patassé, le prédécesseur de Bozizé, avait accordé un permis similaire au pétrolier étasunien Grynberg RSM. L’industriel de Denver, invoquant l’insécurité, n’a pas pu conduire les recherches et le permis a expiré en 2004. La cession du sésame aux Chinois pouvait-elle plaire à ceux qui ont permis à François Bozizé d’accéder au pouvoir ? Fraichement déchu de ses fonctions en mars 2013, le désormais ex-président Bozizé a affirmé sur les ondes de Radio France International (RFI) que « j’ai été renversé à cause du pétrole ». Sans plus de détails. Trois (27 décembre 2012) mois avant, le président François Bozizé avait prononcé un discours dans lequel il affirmait clairement que ce qui se cachait derrière la crise qui secouait alors son pays n’était rien d’autre que l’opposition française émise plus tôt contre l’octroi des contrats d’exploration de pétrole aux Chinois. « J’ai donné le pétrole aux Chinois et c’est devenu un problème », martelait Bozizé, acculé par les rebelles.

Les manœuvres de Washington

Le fait que le président Bozizé ait pris l’habitude de s’afficher avec les dirigeants chinois a aussi provoqué la colère de Washington. Et les câbles diplomatiques à ce sujet le démontrent à suffisance.

Le 17 juin 2009, l’ambassadeur étasunien Frederick Cook en RCA avait envoyé un câble à Washington dans lequel il affirmait que les «  relations France-RCA sérieusement sous tension. […] Bozizé semble croire avoir réussi à être le moindre mal dans le paysage politique de la RCA. Il s’imagine donc être indispensable pour ses voisins et les Français, une supposition que l’ambassade américaine (« AmEmbassy ») à Bangui croit être une erreur grossière », écrivait alors le diplomate étasunien.

Une autre dépêche envoyée cinq mois plus tard avait valeur d’alerte : «  L’influence chinoise grandissante en RCA est évidente ». Le câble précisait dans quelle mesure tant les intérêts américains que français étaient en train de céder du terrain à Beijing qui ne cessait d’« accroître sa coopération militaire, sa diplomatie publique et ses efforts de développement ». L’ambassadeur soulignait pour s’en inquiéter que contrairement au quatre agents diplomatiques résidant à l’ambassade américaine de Bangui, l’ambassade chinoise comptait une quarantaine d’employés. Frederick Cook ajoutait qu’environ 40 officiers de l’armée de la RCA étaient formés tous les ans en Chine, contre les deux ou trois officiers qui allaient aux Etats-Unis et les 10 à 15 en France. Et pour ne pas arranger les choses, Bozizé a confié la réserve pétrolière de Boromata aux Chinois, au détriment de la France et de son allié, les USA. Etant donné que ces deux puissances ont érigé le pétrole au rang des divinités, Bozizé se savait désormais sur un fauteuil éjectable. On l’a effectivement éjecté le 24 mars 2013.

La France fait semblant de combattre pour renforcer son influence en RCA

Rappelez-vous. Le jeudi 21 novembre 2013 lors de la remise du prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits au docteur congolais Denis Mukwege et à Femmes Africa Solidarité François Hollande avait indiqué qu’ « Il se produit en Centrafrique des actes abominables. Un chaos, des exactions extraordinairement graves ». Face à l’urgence et aux 400 000 personnes déplacées en Centrafrique, « nous devons agir », a ajouté le président français. Le même jour, cette fois là sur France 2, son ministre des Affaires étrangères a ajouté : « Le pays est au bord du génocide ». 48 heures avant, devant une commission du Congrès, le directeur du bureau Afrique du département d’État, Robert Jackson, avait évoqué « une situation pré-génocidaire  » en Centrafrique. On le voit, le scénario est le même. Le président Français annonce la crise. Un membre de son gouvernement saute aux antennes pour décrire la catastrophe à venir. Une voix « extérieure », de préférence étasunienne ou onusienne vient accréditer la thèse alarmiste en insistant sur la violation des droits de l’homme. L’opinion internationale soumise à un matraquage médiatique et donc psychologique intense salue l’envoi des troupes sur le terrain. Car, une résolution a bel et bien été prise par le Conseil de sécurité de l’ONU le 5 décembre 2013 pour autoriser les troupes françaises à agir en appui aux forces africaines de la Misca.

Ce dont la Séléka est le nom

En Centrafrique, les populations sont victimes, en partie des exactions des éléments de la Séléka (coalition en sango, langue nationale). Mais qui compose cette fameuse Séléka ? La Séléka est une coalition de factions rebelles dissidentes issues de plusieurs mouvements politico-militaires. On y retrouve la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC). Au plus fort de la contestation du pouvoir de M. Bozizé, deux autres groupes armés ont vu le jour ou ont dévoilé leur visage au grand jour et ont rejoint la Séléka. Il s’agit de la Convention patriotique du salut du kodro (kodro signifie pays, en sango), et de l’Alliance pour la renaissance et la refondation (A2R). Sans oubliés les hordes venues du Tchad et du Soudan.

Tous ces groupes composites ont donc fait une « alliance » de circonstance pour atteindre un objectif précis : renverser le président Bozizé. Mission accomplie en mars 2013. Or, il n’y avait qu’un seul fauteuil présidentiel à prendre et à pourvoir. Il a finalement été occupé par Michel Djotodia. L’ancien fonctionnaire du ministère du Plan qui a goûté à la prison sous Bozizé détenait le gros des troupes. Les hordes tchado-soudanaises obéissaient à son commandement. N’a-t-il pas été présenté par la presse sans démenti comme le meilleur interlocuteur de la France et du Tchad qui voulaient en découdre avec Bozizé l’ « insoumis » ? Aussitôt installé au Palais de Bangui, Michel Djotodia a pris un décret pour dissoudre la Séléka et annoncer le « recasement et le cantonnement ».

Ne se reconnaissant pas tous en lui, plusieurs éléments issus des autres groupes armés n’ont pas respecté les ordres d’un chef qui, dans tous les cas n’est pas le leur. Dans la Seléka, le « contingent » de loubards tchadiens et soudanais s’est lui aussi trouvé face à un dilemme. Ils ont été utilisés pour installer Djotodia au pouvoir. Celui-ci annonce le « recasement et cantonnement » et l’intégration dans les Forces armées centrafricaines (FACA). Or, n’étant pas Centrafricains, que vont-ils devenir ? Le nouveau président ne semble pas avoir pleinement satisfait ses alliés d’hier sur cette question. 

Les incompréhensions entre les différents groupes rebelles d’une part, et entre certains chefs et leurs éléments d’autre part, débouchent sur des atrocités généralisées dans le pays. Pillage, viol et assassinats en série deviennent l’activité quotidienne de ces hommes à qui on a enseigné la brutalité et la tuerie ! La chaîne de commandement étant brisée et plusieurs promesses mirobolantes n’ayant pas été tenues, personne ne contrôle plus rien. Le pays se retrouve dans la même situation d’ « ingouvernabilité » que la Libye envahie par les djihadistes, après l’assassinat du Guide Mouammar Kadhafi par les troupes de l’OTAN avec la France de Sarkozy et de Bernard Henri Levy en tête. La situation centrafricaine rappelle étrangement celle qui a prévalu à Abidjan après le renversement de Laurent Gbagbo par les rebelles pro-Ouattara soutenus par la France. En effet, après la chute de l’ancien chef d’Etat de Côte-d’Ivoire, les éléments des « Forces nouvelles » (rébellion dirigée alors par Guillaume Soro, actuel président de l’Assemblé nationale) ont été floués. L’argent et les autres avantages qui leur avaient été promis pendant le combat contre le régime de Gbagbo n’ont pas été livrés. Ouattara est devenu président de la République. En représailles, ces « Forces nouvelles » ont pillé la capitale ivoirienne. Non sans tuer et torturer certains commerçants innocents.

En Centrafrique, à la violence des éléments de la Séléka (essentiellement musulmans), les « Anti balaka » répondent aussi par la violence. Le deuxième groupe est constitué d’éléments essentiellement chrétiens et sont présentés comme les pro-Bozizé. Ce dernier était leader d’une église chrétienne. La presse occidentale s’appuie sur ce fait qui pour agiter mensongèrement le spectre d’un « conflit interreligieux » voire d’un « génocide » en Centrafrique.

Face à cette situation chaotique, l’agitation n’est-elle pas toujours fonction des intérêts à protéger ou à conquérir ? Toujours est-il qu’en Centrafrique, la France a très vite pris les devants dès que la situation sur le terrain est devenue incontrôlable. Alors que la Mission militaire africaine Misca, commandée par le général camerounais Tumenta avait déjà déployé 2500 soldats, la France a jugé nécessaire de convaincre le Conseil de sécurité de l’ONU d’adopter une résolution qui lui permet d’y envoyer ses troupes tricolores. En vérité, les troupes françaises ont précédé la Résolution 2127. Celle-ci a été adoptée le 5 décembre. Pourtant, les troupes avaient déjà quitté la France et étaient stationnées à Douala au Cameroun, voisin de la RCA.

Mais avait-on besoin de tant de militaires hyper équipés pour vaincre quelques loubards armés de machettes et d’armes résiduelles ? Les Forces armées centrafricaines ou ce qui en reste et la Misca sont-elles incapables de vaincre ces affamés ? Bien plus, nous sommes là dans une guerre asymétrique, avec un ennemi qui n’a pas d’uniforme identifiable à priori. Ne connaissant pas le terrain, ni la composition sociologique du pays (certains arrivent en Afrique pour la première fois d’après leurs déclarations à RFI), contre qui vont se battre les soldats tricolores ? La quinzième proposition du Rapport Védrine évoqué plus haut peut permettre de répondre à ces interrogations. Il est question de « Renforcer l’influence de la France en Afrique », y a conseillé l’ancien ministre des relations extérieures de François Mitterrand.

« L’Afrique est une chance pour la France », reconnaît le ministre des Finances français

Comme la plupart des pays occidentaux, la France est encore ravagée par les contrecoups de la crise qui a secoué l’économie mondiale à partir de 2007. Arrivée au pouvoir à cette période agitée, surpris par la percée des nouveaux acteurs comme la Chine, l’Inde, et le Brésil, Nicolas Sarkozy a renfilé le manteau colonial. Et au lieu de la « Rupture » annoncée par le candidat Nicolas, l’Afrique a eu droit à une « Continuité » accélérée par le président Sarkozy, ami zélé des hommes d’affaires de la trempe de Charles Pasqua, Vincent Bolloré… Le libéral Sarkozy a bombardé la Côte-d’Ivoire et la Libye. Mais rien n’y a fait. La France, au bout de ses cinq ans de mandat, n’a pas pu reprendre sa place de premier partenaire économique en Afrique francophone, malgré le sang versé !

Le « socialiste » François Hollande qui n’avait pas fait de l’Afrique une priorité pour son mandat semble avoir oublié toutes les autres parties du monde – la France comprise – pour se tourner vers l’Afrique. Comme le commandant d’un bateau atteint par les eaux, il multiplie ses visites en Afrique. Après les obsèques de Nelson Mandela auxquelles il prenait part le mardi 10 décembre, François Hollande s’est rendu sur le théâtre de guerre en Centrafrique pour galvaniser « ses » soldats qui ont déjà perdu deux frères d’arme après seulement une semaine d’action ! 

 

23.12.2013

Conférence du Professeur Jean-Paul Pougala (21/11/13 À Erlangen en Allemagne)

Filed under: Contributions - apports — kel @ 13:44

SEMAINE CULTURELLE DES CAMEROUNAIS DE ERLANGEN-NUREMBERG (Allemagne)

THEME : QUELLES FORMATIONS STRATÉGIQUEMENT PRIORITAIRES POUR L’AFRIQUE ?

Pendant 50 ans, l’Afrique a formé prioritairement des gens pour recevoir des ordres, qu’ils soient ingénieurs, médecins, juristes, pharmaciens ou enseignants. Pour l’avenir, il faut inverser la tendance et former prioritairement des personnes qui doivent donner des ordres, des personnes qui doivent créer, inventer : des patrons

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