Angela Davis : « il faut organiser des communautés de résistance »
A 69 ans, Angela Davis n’a pas perdu son âme de militante. Elle continue de se battre pour les droits civiques, aux États-Unis et partout dans le monde. Féministe, communiste, proche des « Black Panthers », elle est devenue une icône internationale dans les années 60. La figure emblématique du mouvement noir américain raconte ses combats, sa cavale, son acquittement, son statut de symbole dans un entretien exceptionnel.
Angela Davis, une icône révolutionnaire? « Ce terme d’icône ne me convient pas vraiment » estime la militante américaine. « C’est parce qu’il y a eu des mouvements de masse aux États-Unis et dans le monde entier que je suis connue » explique-t-elle, alors qu’un film qui retrace son parcours va sortir le 3 avril, Free Angela and all political prisoners. Elle qui « a grandi dans la ville où régnait la ségrégation », dit avoir pu comprendre la violence raciste et la ségrégation grâce à ses parents. « A l’âge de 11 ans, j’ai commencé à participer à un groupe de discussion interracial. Nous nous réunissions pour discuter dans une église qui a été détruite par une bombe ». Fichée communiste, elle rappelle que « c’était absurde parce que j’avais été recrutée pour enseigner le Marxisme ».
« Je recevais des courriers qui me disaient ‘rentre chez toi en Afrique!’, ‘rentre chez toi en Russie!' »
Elle a ainsi reçu « des piles et des piles de lettres de menace ». Elle a aussi été membre des Black Panthers. « Ce parti-là avait été appelé le parti des Black Panthers pour l’autodéfense. C’était donc une violence d’autodéfense » ajoute-t-elle pour expliquer leur droit de porter une arme à cette époque. Une époque pendant laquelle Angela Davis cachait son féminisme.
« On s’est dit à ce moment-là que l’on allait intégrer la lutte pour les droits de la femme à la lutte pour les communautés noires ».
Les choses ont basculé en 1970 quand un commando organise une prise d’otages lors du procès d’un des membres. A la suite de ce bain de sang, Angela Davis est accusée d’avoir fourni les armes. « Non, je n’ai pas fourni les armes pour cet acte-là bien sûr ». Mais ces armes lui appartenaient. « Elles avaient été achetées en mon nom pour mes gardes du corps. Mais c’est l’un d’eux qui a introduit ces armes dans le tribunal ». Elle revient alors sur sa fuite.
« Si j’étais allée me rendre aux autorités, probablement que j’aurais été exécutée par la police ».
Après 16 mois de détention, elle est libérée grâce à la mobilisation internationale. « En France il y a eu un mouvement très puissant » se souvient-elle en évoquant des photos de sa sur, en France, en compagnie de Louis Aragon. « C’était un mouvement qui a largement dépassé les attentes que, moi, j’aurais pu avoir ». Aujourd’hui, « je suppose que j’essaie d’être une révolutionnaire et d’être plus sage, même s’il y a une contradiction dans tout cela. Je continue de croire que pour que les choses changent, il faut organiser des communautés de résistance énormes ».
http://www.franceinfo.fr/societe/femmes-d-exception/angela-davis-928975-2013-03-23